Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Lt. Warren E. Loring 30 juin 1944 (55th Fighter Group)

Lt. Warren E. Loring 55th Fighter Group – 343rd Fighter Squadron 
 
 
Il est aux alentours de 18h00 (heure anglaise) sur la base de Farmington, home du 55th Fighter Group de la 8th Air Force, et les pilotes assis dans leurs appareils reçoivent depuis la tour de contrôle les dernières instructions concernant l’objectif. Finalement une fusée monte dans le ciel donnant ainsi l’ordre du départ.

Le Lt. Warren "Bud" E. Loring fraîchement affecté au 343rd Fighter Squadron est de la partie ; il raconte : "Il y avait eu tellement de retards ce matin-là que l'on a pensé que la mission serait annulée. Les choses sont enfin rentrées dans l’ordre et nous avons reçu le signal du départ."

Les premiers des quarante-huit avions, soit exactement seize par Squadrons, décollent à 18h30 en direction de Nevers où ils ont ordre de harceler l’ennemi sur la rive droite de la Loire. Le Col. George T. Crowell, Group Commander, dirige la mission.

L’ensemble des appareils franchit la côte sans encombre à proximité de Dunkerque, plus précisément à Furnes (Belgique) mais suite à des ennuis divers lors du survol de la France, le Col. Crowell doit se défaire de dix appareils dont trois doivent assurer l’escorte des éclopés. Les trente-huit avions restants se partagent le secteur et attaquent toutes sortes d’objectifs autour de Nevers comme un terrain d’aviation, une gare de triage, des embranchements ferroviaires à Decize ainsi qu’une petite raffinerie qui pourrait être l’usine d’Imphy (Nièvre) si l’on considère les coordonnées du rapport de mission.

Pas moins de sept locomotives, deux wagons et onze citernes d’huile sont revendiquées et les dégâts sur les infrastructures sont considérés comme très bons.

Du côté humain par contre, la mission ne se déroule pas sous les mêmes hospices car durant l’attaque du terrain d’aviation, le Capt. Buttke, commandant Tudor Squadron, voit un de ses ailiers du Red flight touché par des tirs anti-aérien. Le Lt. Loring, car c’est de lui qu’il s’agit, nous raconte la suite : "Mon moteur droit à prit feu lorsque j’ai été touché, probablement à quelques dizaines de mètres au-dessus du sol. L’habitacle s’est emplit de fumée ce qui m’a empêché de voir les instruments mais je commençais à reprendre de l'altitude. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour éteindre l’incendie ; j’ai essayé de mettre l’hélice en drapeau, j’ai fermé l’arrivée de carburant en coupant le circuit d’alimentation mais je n’ai pas réussi à stopper l'incendie."

La situation ne s’arrange pas et son leader, le Capt. Buttke, lui demande d’évacuer l’appareil. Bud Loring poursuit : "Je me suis enfin fait à l'idée que je devais quitter l’avion ; quoique je fusse un bon pilote, il n’y avait aucune chance, que je puisse rentrer en Angleterre avec cet appareil. J'ai largué ma verrière, j’ai baissé la vitre et alors que je me levais pour sauter, j’ai été pris dans les remous d’air. La force du vent a retiré mon casque, mes lunettes et mon masque à oxygène et je me suis de nouveau retrouvé assis et plaqué sur mon siège."

Pendant ce temps-là l’avion vole toujours sur un moteur mais la chaleur de l’incendie commence à devenir insupportable. Bud ajoute : "Je devais sortir, car la chaleur était vraiment intense. Je ne sais plus comment mais je me suis traîné sur l'aile. Le métal était chauffé à blanc durant mon déplacement d'une prise de main à une autre, mais je ne ressentais pas l'effet des brûlures. Quand j'ai finalement réussi à quitter l'aile j'ai vu l'avion s’éloigner de moi et j’ai alors tiré sur le cordon d'ouverture de mon parachute." Il était grand temps d’évacuer le chasseur car alors que le Lt. Loring vient à peine de sauter, le Capt. Buttke aperçoit le moteur droit du P-38 exploser et l'aile se détacher dans les secondes qui suivent.

Le Capt. May, qui commande le Blue flight dans ce Squadron, incline son avion sur l’aile car il vient de perdre de vue le pilote puis, l’ayant retrouvé, il cercle autour de lui afin de s’assurer que son coéquipier est sain et sauf. Bud a sauté à environ cinquante pieds du sol et il touche assez rudement le sol : "J’ai été traîné à travers tout le champ, faisant des roulé-boulé et venant finalement m’arrêter près d’une haie. Je me suis examiné ; bien que mes deux chevilles soient foulées et que j’aie des brûlures au visage et au bras, j’étais encore en vie."

Il est 21h00 et Bud pense qu’il est quelque part près de Nevers alors qu‘en réalité il se trouve bien plus au nord-ouest. En fait il a sauté dans les environs d’Ivoy-le-Pré et son avion s’est écrasé à quelques kilomètres de là, près de La Chapelle d’Angillon - deux villages du Cher.

Un paysan s’approche de lui et l’emmène dans sa ferme toute proche, lui offre un verre d’eau ainsi qu’une chemise et une veste mais refuse de lui apporter le miroir que l’américain lui demande. Cette famille du Cher ne fait pas partie de la résistance et elle s’empresse de cacher le pilote dans une haie qui sépare deux champs car les allemands ne vont pas tarder à ratisser le secteur (Note : Un détachement de la base d’Avord est sur zone à 22h00).

Ecoutons Bud : "Avant de quitter la ferme, l'une des femmes m'a donné deux oeufs. Pensant qu'ils étaient durs, j'en ai mis un dans chacune de mes poches. Je n’ai pas mis longtemps à m’apercevoir qu’ils étaient crus et j'ai dû rester avec ces œufs cassés dans mes poches jusqu'à ce que je sois libre !" La première nuit est terrible car il souffre de ses brûlures et afin de ne pas se faire repérer des allemands par les cris que la douleur lui inflige, il économise la seringue de morphine du kit de premiers secours en se faisant toutes les heures de petites doses d’injection. "Je suis resté dans la haie pendant dix jours environs et j’ai eu du vin rouge, des cerises rouges un jour, le lendemain des jaunes, et du pain."

Une fois les recherches allemandes terminées il est récupéré par la Résistance qui le transfère régulièrement de fermes en fermes et envisage de le diriger vers l’Espagne. "J'ai appris plus tard que le groupe de résistance local avait vérifié mon identité et s’était assuré que je n'étais pas un espion allemand glissé au sein de l’organisation de résistance. En fait le responsable du Maquis m'avait observé avec ses jumelles durant ma descente en parachute mais il était resté à l’écart jusqu'à ce qu'ils soit certain que les Allemands ne m'avaient pas repéré."
 
La situation sur le front ayant évolué favorablement pour les alliés, notamment avec l’avance rapide de l'armée du Général Patton vers l’Est, Bud Loring accompagné d’un guide est emmené vers le camp de Fréteval (Eure et Loir).

Ce camp crée par la résistance en mai 1944 et regroupant de nombreux autres évadés de toutes nationalités sera libéré le 13 août 1944. Ironie du sort il retrouve dans ce camp un pilote du 55th FG abattu le 11 juin 1944 près de Clermont-Ferrand - Rex Hjelm - celui-là même qu’il avait remplacé au sein du Squadron.

Après la libération du camp, tous les deux sont rapatriés vers l’Angleterre à bord d’un C-47 et arrivés dans leur unité ils demandent à rencontrer leurs remplaçants à qui ils souhaitent d’avoir plus de chance qu’eux. Bud Loring est ensuite débriefé pendant une quinzaine de jours avant d’être transféré vers les U.S.A. où il va maintenant s'occuper de la formation d'autres jeunes pilotes.

Après guerre il choisit de rester dans l'armée mais cette fois dans l'artillerie. Il sert en Corée, puis, lorsqu'il est affecté en Allemagne, il revient en France revoir les lieux où il a été caché. Il se souvient : "A l’époque, dans tous les endroits où j'étais caché, j'avais donné mon nom, mon adresse et mon numéro matricule et quand je suis revenu en 1954 - tous - ils avaient toujours avec eux ces petits morceaux de papier !"

Warren  "Bud" Ernest Loring est décédé le 1er avril 2013 après un combat de plusieurs années contre la maladie d'Alzheimer.