Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Marmagne Pont-Vert 27 juin 1944

C’est la fin d’après-midi sur la base de Warmwell située à quelques 170 kilomètres au Sud-Ouest de Londres et qu’occupe depuis le 13 mars 1944, le 474th Fighter Group de la 9th Air Force. Les pilotes sont convoqués une nouvelle fois en salle de briefing où ils vont recevoir tous les paramètres concernant leur deuxième mission de la journée. 
 
Un train de troupes allemand est stoppé sur les voies entre Bourges et Vierzon et le 474th que commande le Col. Clinton C. Wasem a reçu l’ordre de le détruire.
 
Après avoir pris connaissance des derniers détails de la mission les pilotes rejoignent rapidement leurs chasseurs bimoteurs P-38 Lightning. Entre temps les douze avions du 429th Fighter Squadron ainsi que les douze du 430th Fighter Squadron ont été équipés d’une charge mixte, c’est à dire d’un réservoir de 165 gallons (625 litres) sous une aile et d’une bombe de 500 lb (227 kilos) sous l’autre. Les douze appareils du 428th Fighter Squadron chargés de la protection de l’ensemble emportent quant à eux deux bidons de 165 gallons.
 
Vue de face d'un P-38 Lightning équipé d'un réservoir additionnel et d'une bombe de 1000 lb (454 kg). Un montage sensiblement identique à celui des avions des 428th et 430th Fighter Squadron ce 27 juin.  (Source NARA, Reference Number 342-FH-3A22945-56233AC)
 
A 19h34 ce sont ces derniers qui décollent les premiers suivis quelques minutes plus tard par les deux autres Squadrons. Une fois la Manche franchie le groupe pénètre en territoire ennemi à proximité de Caen où la progression des troupes anglaises est toujours stoppée par l’armée allemande puis de là les chasseurs foncent directement vers la zone de l’objectif. 
 
Durant cette partie du trajet, des problèmes radio obligent le Col. Wasem à céder son commandement au Capt. John A. Hallford puis à rejoindre la base.
 
Le ciel est particulièrement clair au-dessus du Berry mais malgré cela et après le survol de la voie ferrée sur plusieurs kilomètres, les pilotes s’avèrent impuissants à localiser le train recherché. Vers 20h50, alors qu’ils se trouvent maintenant à l’Est de Bourges, le Capt. Hallford informe ses coéquipiers par radio qu’il a repéré un objectif intéressant lors de leur recherche.
 
Les appareils américains dégagent rapidement par la gauche et profitent du survol de Bourges pour attaquer la gare ainsi que des quartiers de la ville. La gare en elle-même ne subit pas de gros dégâts mais en ville des bombes détruisent partiellement le garage de l’Auto-Progrès rue Moyenne, d’autres tombant dans la cour de l’hôpital général mais sans faire de victimes. 
 
L’attaque est de courte durée et les chasseurs P-38, poursuivent leur vol vers l’ouest et identifient bientôt le triangle ferroviaire.
 
A 21h00, après un premier survol de l’objectif afin de prendre des repères, les réservoirs supplémentaires sont largués sur les alentours et les attaques commencent par plusieurs passes en semi-piqué. Des coups directs sont portés sur les voies mais aussi sur les abords immédiats du triangle, c’est à dire sur le hameau de Pont-Vert.
 
Le drame va se produire quand une bombe tombe sur un ensemble de bâtiments dont un débit de boisson où plusieurs habitants avaient trouvé refuge. La maison s’effondre complètement sous l’effet du souffle, ensevelissant en un instant la dizaine de personnes qui se trouvait dans la cave. Un voisin témoignera dans La Dépêche du Berry, le journal de l’époque : "J’étais sur le seuil de ma porte quand la bombe est tombée à moins de dix mètres de moi. Je n’ai pas eu une égratignure mais toute la maison voisine s’est écroulée sous le choc."
 
Les équipes de secours, dont les pompiers de Bourges, sont rapidement sur les lieux et le déblaiement commence aussitôt. Les recherches se déroulent à la lueur des phares mais à 23h00 tout espoir de retrouver des survivants est perdu, l’éboulement de la maison a causé la mort des treize habitants qui s’y trouvaient.
 
Vue du triangle de Pont-Vert (1946) vers l'Est. A gauche la voie en direction de Bourges, à droite la voie en direction de Montluçon. (Collection auteur)

Une autre vue du triangle de pont-Vert (1946). La voie en direction de Bourges franchissant le canal de Berry. A noter l'ancienne gare d'eau du canal sur la gauche. (Collection auteur)
 
L’attaque aérienne du triangle proprement dite se termine sans obtenir les destructions escomptées car un rapport de la SNCF indique que les aiguilles sont intactes et que les voies n'ont que peu souffert, tout au plus quelques morceaux de rails tordus.
 
Durant le vol retour, marqué comme à l’aller par l’absence de chasse ennemie, un avion est touché par des tirs de Flak allemande mais le pilote parvient à ramener son appareil - sur un seul moteur - jusqu’à la base. Les premiers bimoteurs du groupe se posent à Warmwell aux alentours de 22h40.
 
Note : Une stèle commémorative située à proximité du canal et où sont inscrits les noms des victimes rappelle cette évènement tragique.