Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Avord 28 avril 1944


Dans la matinée du 28 avril 1944 deux Combats Wings de la 1st Bomb Division formés de cent-vingt-quatre bombardiers B-17 Fortress répartis dans six Bomb Groups franchissent la cote anglaise à hauteur de Selsey Bill près de Porthmouth.

L’objectif d’aujourd’hui n’est pas inconnu aux 91st Bomb Group et 381st Bomb Group qui composent le Wing de tête, car la base d’Avord a déjà été leur destination lors de la mission du 5 février dernier. Le second Wing est quant à lui composé des 92nd, 306th, 379th et 351st Bomb Groups, les six avions du 306th volants de concert avec les douze bombardiers du 92nd Bomb Group.

La traversée de la Manche est mise à profit pour tester le bon fonctionnement des mitrailleuses de bord avant le franchissement de la côte française qui s’effectue dans la région de Cabourg (Calvados) et que rejoignent les P-47 Thunderbolt d’escorte du 78th A Fighter Group dirigés par le Col. Stone.

Le trajet au-dessus du territoire ennemi les emmène maintenant en direction de La Châtre (Indre) et comme annoncé lors du briefing, les chasseurs sont rejoints dans le secteur de Châteaudun par les P-51 Mustang du 357th Fighter Group, dirigés par le Maj. Dregne. Les P-47 du 78th Fighter Group quittent la formation peu après dans les environs de Romorantin (Loir-et-Cher).

Afin de parer à toute attaque de la Luftwaffe, les 56th A & B Fighter Group, sont chargés de patrouiller dans le secteur, un orbite entre Chartres et Orléans, l’autre entre dans un triangle compris entre les villes de Chartres, Tours et Le Mans. Ces missions appelées « Type 16 control » sont dirigées depuis l’Angleterre, des opérateurs informant régulièrement les pilotes en mission sur les mouvements de la chasse allemande.

Initialement prévu pour ce type de mission, le 352nd Fighter Group commandé par le Col. Mason, voit celle-ci annulée et est dirigé vers les deux Combat Wings qu’il rejoint aux environs de Vatan (Indre). Toutefois ce Fighter Group a affecté quelques éléments à l’attaque d’aérodromes de la région (Châteaudun, Bourges, etc.) et ceci dans le but de faire diversion.

Un large virage est amorcé à La Châtre (Indre) pour permettre aux deux Wings et aux différents Groups de prendre leurs positions avant d’effectuer un dernier changement de cap a proximité de St. Amand-Montrond.

A 16,000 pieds la base d’Avord est maintenant visible et commence alors le « Bomb Run », la course rectiligne qui va conduire les avions à la verticale de l’objectif. L’attaque débute à 11h54 par les appareils du 91st Bomb Group suivit par ceux du 381st Bomb Group mais les équipages sont surpris par la réaction de la Flak de défense du terrain. Le B-17G du Lt. Cater appartenant au 91st Bomb Group est touché sérieusement peu après avoir largué ses bombes et le pilote donne l’ordre d’évacuer l’appareil qui explose quelques instants plus tard. Le 381st Bomb Group n’est pas à la fête lui aussi car l’avion du Lt. Henslin qui dirige le Group est pris pour cible pendant les trois-quarts de son vol au-dessus de l’objectif. Touché à un moteur par un coup direct de Flak alors qu’il vient de refermer sa soute, seul trois hommes parviennent à sauter en parachute avant l’explosion du B-17.

Avant le passage des Groups suivants, les Mustangs du 352nd Fighter Group plongent vers le sol et effectuent pendant environ deux minutes un mitraillage en règle des emplacements de Flak afin de calmer l’ardeur des canonniers allemands.

Le passage des 92nd, 306th, 379th et 351st Bomb Group se déroule sans autre perte mais toujours sous un feu précis de Flak car au moins une quarantaine d’appareils revendiquent des dommages à leur retour en Angleterre.

A 12h03 tout est consommé, le bombardement a surtout touché les parties Sud et Est de la base. Quatre hangars en limite Sud du terrain ont reçu des coups directs, deux sont en flammes à la fin de l’attaque. Côté Est, un est totalement détruit tandis qu’un autre l’est à cinquante pour cent. Quelques ateliers ont aussi été endommagés et la zone de dispersion d’avion au nord-ouest a reçu quelques projectiles. Sur cinq avions visibles au sol, deux sont détruits.

Les bombardiers ont maintenant repris leur route vers l’Angleterre et sont encore inquiétés par une trentaine d’appareils allemands FW-190 et Me-109 au-dessus de Nançay. Certainement refroidis par la supériorité numérique des chasseurs d’escorte américains, les pilotes allemands ne font qu’un passage et aucun B-17 n’est descendu.

Un dernier événement vient encore marquer cette mission, le Capt. Davis du 357th Fighter Group est obligé d’évacuer son P-51 dans la région de Graçay suite à des ennuis moteur. Il sera récupéré par la résistance locale.

Le 357th quitte les bombardiers dans les environs de Châteaudun, remplacé par les P-47 Thunderbolt du 78th B Fighter Group dirigés par le Maj. Gilbert. L’escorte se réduit en toute fin de mission quand les Mustangs du 352nd Fighter Group quittent les bombardiers B-17 dans le secteur de Lisieux.

Les deux Combat Wings et leur escorte sortent du territoire ennemi à la hauteur du Havre (Seine-Maritime), les P-47 Thunderbolt abandonnant leur poste peu avant de franchir la côte anglaise.
 
Résumé succinct concernant les deux bombardiers perdus durant cette mission :

B-17G-45-BO Flying Fortress – serial number 42-97199 - 324th Bomb Squadron / 91st Bomb Group

Pilote : James C. CATER
Copilote : George F. COSGROVE
Navigateur : Raymond J. MURPHY
Bombardier : Bernard H. SWINBURNE
Mécanicien / Mitrailleur supérieur : Alphonse J. LAGOWNIK
Opérateur radio : James F. KONSTANTINE
Mitrailleur de tourelle inférieure : Clement D. DOWLER
Mitrailleur latéral gauche : John H. PERTUSET
Mitrailleur latéral droit : Herbert A. CAMPBELL
Mitrailleur de queue : Regis R. CARNEY

Le quadrimoteur est abattu par la Flak d’Avord après avoir largué ses bombes sur l’objectif et les dix membres d’équipage parviennent à évacuer l’avion en perdition qui va s’écraser dans le périmètre de l’aérodrome.

COSGROVE, LAGOWNIK, KONSTANTINE et PERTUSET sont capturés dans les minutes qui suivent leur arrivée au sol, les blessés étant envoyés vers l’hôpital militaire allemand d’Orléans tandis que les autres sont envoyés en Allemagne, à Oberursel, un camp « spécial » où ils vont être questionnés avant de rejoindre un camp de prisonniers de guerre.

SWINBURNE parvient à échapper aux recherches quelques temps, aidé par des français, mais il est capturé le lendemain sur la route de Saint-Amand-Montrond alors qu’il va vers le sud. Après emprisonnement dans la prison militaire allemande de Bourges et questionnement pas la police allemande locale, il est envoyé lui aussi vers Oberursel.

MURPHY échappe aux recherche et va rejoindre seul Sancoins où il sera là aidé et caché par une famille française puis il sera rapatrié en Angleterre par Lysander en août lors d’une mission SOE (Special Operation Executive).

CATER et CARNEY, qui se sont échappés chacun de leur côté vont être réunis puis aidés dans le Cher par diverses familles. Après moult péripéties (et après avoir retrouvé CAMPBELL et DOWLER) ils vont se retrouver au Mont-Mouchet avec 13 autres aviateurs alliés.

CAMPBELL et DOWLER vont aussi échapper aux recherches, aidés par deux familles du Cher avant de rejoindre la Creuse ou ils vont être aidé par une famille dont le père est chef d’un maquis. Ils vont dans un maquis de la région retrouver CATER et CARNEY puis rejoindre le Mont-Mouchet.
Suite aux attaques allemandes contre cette concentration de maquisards, CATER va fuir avec un autre aviateur américain pour arriver dans l’Ain, dans un groupe de maquisards, où il sera rapatrié en juillet par Dakota vers l’Angleterre.

CAMPBELL va quant à lui suivre un groupe de maquisards car il sait que les alliés ont débarqué en Normandie. Début juillet, alors que son groupe est cantonné au Petit-Parry (dans la montagne Issoirienne), les résistants sont surpris par une colonne allemande chargée de réduire les poches de résistance dans le secteur. CAMPBELL est tué dans l’engagement alors qu’avec d’autres il couvre la retraite du gros de la troupe.

CARNEY et DOWLER vont quant à eux faire équipe avec deux résistants du Mont-Mouchet et vont rejoindre l’Ardèche où ils vont intégrer un groupe de résistants, puis combattre avec eux. Ils vont retrouver la liberté en septembre lorsqu’ils vont retrouver les troupes américaines qui après avoir débarqué en Provence, remontent la vallée du Rhône.

B-17G-25-DL Flying Fortress – serial number 42-38061 “GEORGIA REBEL II” - 535th Bomb Squadron / 381st Bomb Group

Pilote : Harold F. HENSLIN
Copilote : Osce V. JONES
Navigateur : Arthur R. GUERTIN
Bombardier : Eugene ARNING
Mécanicien / Mitrailleur supérieur : J. W. PADGETT
Opérateur Radio : Jo R. KARR
Mitrailleur de tourelle inférieure : George B. McLAUGHLIN
Mitrailleur Latéral Gauche : William B. BLACKMON
Mitrailleur Latéral Droit : Clarence T. WILLIAMS
Mitrailleur de queue : Edward H. SELL

Le B-17 Georgia Rebel II qui mène les avions de la première vague est pris à partie par une batterie de Flak durant la majeure partie de sa phase d’approche (appelé Bomb Run). Ignorant les explosions d’obus qui l’encadrent, le bombardier largue ses bombes et referme les portes de sa soute à bombes. Moins d’une minute après que celle-ci aient été refermées, un coup direct atteint son moteur intérieur gauche qui éclate sous le coup. Un incendie alimenté par le carburant enflamme l’aile qui n’est rapidement plus qu’un immense brasier.

Du bombardier hors de contrôle et ravagé par les flammes, quatre hommes parviennent in-extremis à sauter en parachute mais SELL, ouvrant trop vite son parachute, reste accroché à la queue de l’avion. Le bombardier désemparé explose quelques centaines de mètres plus bas, terminant sa course vers le sol en plusieurs tronçons. 

JONES, PADGETT et BLACKMON sont capturés rapidement puis conduits dans l’après-midi à l’hôpital militaire allemand d’Orléans. Les sept aviateurs décédés durant l’explosion et la chute de leur avion sont inhumés individuellement le 1 mai 1944 dans le cimetière communal d’Avord.
 
La mission du 28 avril 1944 a été programmée du fait de la présence à Avord de l’unité allemande suivante :


Junkers Ju 88S-1 de la K.G. 66 à Avord. On aperçoit à l'arrière plan le bois des tambours et le château d'eau

Venant de Montdidier (Somme) cette unité allemande est arrivée à Avord courant mars 1944. La I./K.G. 66 (ou I. Gruppe du Kampfgeschwader 66) est équipée d’avions bimoteurs Junkers Ju-88 et Ju-188 spécialisée dans le marquage d’objectifs. Ce Groupe d’éclaireurs (ou Pfadfinder) est engagé dans l’opération Steinbock, la reprise des bombardements sur Londres et le sud de l’Angleterre.
 
L’opération Steinbock qui a débuté dans la nuit du 21 au 22 janvier s’achèvera le 29 mai suivant sur un constat d’échec, en partie à cause d’équipages inexpérimentés et d’un nombre d’avions "Pfadfinder" insuffisant.