Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Bourges 4 - 5 mars 1944 (bis)

Cette nuit là [...voir histoire du Short Stirling EH906 abattu la nuit du 4-5 mars 1944], un autre appareil du No. 90 Squadron a failli être aussi abattu, mais cette fois par la Flak de l’aérodrome de Bourges. L’équipage de ce second bombardier anglais effectuait là sa première sortie à risques ; une mission au profit du S.O.E. (pour Special Operation Executive) consistant à aller larguer des containeurs d’armes au profit de la résistance.
 
Le Short Stirling Mark III (LK516, code WP-J) qui a décollé de Tuddenham, vient de franchir à bonne altitude les côtes de France pour être hors de portée des défenses ennemies et son pilote, le Pilot Officer (ou P/O) Dennis R. Field entame maintenant sa descente pour placer son appareil à quelques centaines de pieds au-dessus du sol.
 
Ayant rejoint l’altitude souhaitée il engage "George", le pilote automatique, puis entreprend de donner un coup de main pour la navigation à son navigateur Alan Turner et à son bombardier Arthur Borthwick. Après avoir franchi la Loire aux environs de Blois un nouveau cap est pris en direction de Nevers et Alan rappelle à son pilote qu’ils vont certainement ne pas passer loin de l’aérodrome de Bourges.
 
Dennis Field se souvient : "Quelques minutes plus tard le faisceau bleuté d’un projecteur nous a transpercés, suivi au l'instant d’après par des tirs de Flak légère tandis que les autres défenses de l’aérodrome ouvraient le feu. La seconde ou presque qu’il m’a fallu pour désengager "George" m’a semblé durer des heures et pendant que nos mitrailleurs répondaient aux tirs j’ai plongé au ras du sol. J’ai appelé l’opérateur radio Eddie Durrans pour qu’il coupe l’IFF (Abréviation pour Idendification Friend or Foe, le système d'identification ami-ennemi) mais celui-ci m’a répondu que c’était déjà fait. La lumière bleutée nous a abandonnés mais une deuxième nous a attrapés et ne nous a plus quittés. Les traçantes montaient paresseusement vers nous en une trajectoire courbe puis venaient exploser tout près du cockpit et chacun des éclats semblait vouloir nous toucher juste entre les deux yeux. L’avion caressant le sol, le faisceau lumineux nous a soudainement lâchés et les tirs ont cessés."
 
La leçon a été retenue et le P/O Field n’utilisera jamais plus le pilote automatique au cours d’une mission similaire.
 
Tout l’équipage se remet de ses sueurs froides, reprend son altitude de croisière puis se prépare pour le largage à venir.
 
Le cap retour doit suivre pratiquement le même route qu’à l’aller et tandis que le Stirling approche de l’aérodrome de Bourges, Alan suggère à son pilote d’amorcer un virage afin d’éviter toute nouvelle surprise. Dennis Field approuve cette suggestion mais n’obtempère pas assez vite et son appareil se retrouve une nouvelle fois dans le secteur ou presque des défenses de l’aérodrome.



Dennis Field raconte : "Nous avons déboulé juste au-dessus d’un emplacement de Flak situé à la lisière d’un bois et pendant un court instant les traçantes sont montées vers nous à la verticale. Il y a eu une explosion à l’arrière puis un choc dans les commandes et le nez s’est mis à pointer vers le ciel. Nous venions d’être touchés à l'arrière la déflagration due à ce coup nous avait fait reprendre de l’altitude. J’ai contré la montée en poussant le manche vers l’avant et en jouant du compensateur. La montée de l’avion avait fait chuter sa vitesse et j’ai alors ouvert les gaz à fond tout en nous dégageant simultanément de la zone de l’aérodrome.
 
C’était assez angoissant d’avoisiner la perte de vitesse et de n’avoir aucune échappatoire mais Arthur et moi, nous nous démenions comme de beaux diables, poussant avec nos jambes sur les colonnes pour bien maintenir le nez du taxi comme il faut. Au bout d’un moment, l’appareil s’est enfin stabilisé autour des 120 nœuds puis je l’ai forcé à revenir plus près du sol.
 
Nous étions loin du terrain maintenant et les tirs avaient cessés. Un rapide contrôle m’a assuré que personne n'avait été touché et que les dégâts étaient circonscrits à la gouverne de profondeur. Mon mitrailleur arrière, Jim Blackwell, a laconiquement rapporté qu’il y avait comme une "sorte" de trou."
 
Dennis Field maintient son Stirling blessé à basse altitude jusqu’à ce qu’il soit sûr que plus rien ne peut leur arriver. Il remonte ensuite à 8.000 pieds, toujours attentif au moindre problème pouvant survenir avec le compensateur. Son habileté lui permet de ramener l’appareil au-dessus de la côte française, puis de rejoindre l’Angleterre et de faire son atterrissage à Tuddenham sans autres incidents.
 
Dennis Field conclut : "Cette mission avait été l’occasion d’une première et salutaire tentative de vol à basse altitude et nous étions soulagés d’être rentrés en un seul morceau tout en ayant bien enregistré les leçons de ce qu’il "faut" ou qu'il "ne faut pas" faire."
 
Depuis cette mission et après notre séance de "Montagnes Russes", nous avions maintenant le plus grand respect pour la Flak légère, une expérience que nous n’avions pas vraiment envie de renouveler.