Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Beddes Jedburgh Team IVOR 6 - 7 août 1944

Parachuté durant la nuit du 6 au 7 août 1944 dans les environs de Saint-Amand-Montrond, le team IVOR est le 21e team Jedburgh envoyé vers la France depuis le Royaume-Uni. Il est composé de trois membres de nationalités différentes avec comme chef un britannique - le capitaine John H. COX - assisté d’un français - le lieutenant Robert COLIN - et d’un américain - le 1st Sergeant Lewis F. GODDARD.
 
C’est à la demande d’une autre équipe Jedburgh, le team HAMISH, agissant dans le département de l’Indre que le quartier général des forces spéciales décide d’envoyer IVOR dans le sud du Cher afin d’organiser, d’assister et d’équiper le Maquis. En particulier, le team IVOR doit contacter le délégué militaire de région du secteur, organiser la résistance en groupes d'une centaine d'hommes ou moins, identifier les zones de largage, rendre compte de l’organisation, des forces, de l’armement du Maquis et contacter HAMISH pour déterminer les zones de responsabilités. Bien que les deux teams travaillent en étroite collaboration, IVOR doit se référer au quartier général pour ses ordres.
 
C’est depuis la base américaine de Harrington dans le Northhamptonshire, terrain des Carpetbaggers, que doit s’effectuer leur transfert vers la France occupée. Le B-24 Liberator du 850th Bomb Squadron piloté par le Lt. Jaxtheimer décolle à 21h51 emmenant avec lui l’équipe IVOR ainsi que des tracts qui vont être lâchés au-dessus de la France durant le vol. Pendant environ une heure c’est la campagne anglaise qui défile sous les ailes du quadrimoteur car le franchissement de la Manche doit s’opérer à l’Est de Plymouth et ce afin d’éviter le secteur Normand.
 
Après une demi-heure de vol la côte Bretonne est atteinte dans les environs de Perros-Guirec (Côtes-d’Armor) et l’avion commence à lâcher ses tracts sur les villages endormis. Certaines sources indiquent que le fait de lâcher des tracts permet de masquer le véritable but de ces missions clandestines. L’appareil se dirige vers la Loire avant de laisser le grand fleuve sur sa gauche pour prendre le cap du terrain clandestin - nom de code Paris - situé près de Beddes, un petit village au sud-ouest de Saint-Amand-Montrond.
 
Le terrain est repéré à 0h58 grâce à un balisage lumineux triangulaire ainsi qu’au signal lumineux – P - émis en morse depuis le sol par l’équipe de réception dont fait partie le team HAMISH. Quatre minutes plus tard l’avion se présente contre le vent à une altitude de 130m pour son premier passage et largue ses douze containers, mais 70m à gauche du balisage. A 1h05 et à 190m d’altitude le quadrimoteur se présente une seconde fois, aligné sur le balisage au sol, afin de parachuter les trois membres du team mais les sauts ne sont pas effectués dans le laps de temps impartit et les trois Jedburghs ne parviennent à quitter l’appareil que lorsque celui-ci a dépassé le périmètre du terrain.
 
A cause de ce retard les trois hommes touchent le sol dans une carrière désaffectée située non loin de là. Deux des parachutistes, le Capt. Cox et le Lt Colin sont indemnes mais le Sgt Goddard est retrouvé mort, son parachute ouvert et son leg bag toujours attaché à lui. La totalité du matériel que contenait son sac, y compris la radio, sont hors d’usage.
 
Ouvrons une petite parenthèse pour écouter Clive Bassett, l’historien des Jedburghs : "Lors du saut la difficulté était de quitter un avion volant à trop grande vitesse et parfois à trop basse altitude pour effectuer une sortie sans danger. La formation au saut en parachute, particulièrement pour les Jedburghs, était minimale. 
 
A ma connaissance il n’est pas certain qu’ils se soient entraînés en utilisant le leg bag et s'ils l'avaient fait, cela aurait été exceptionnel. L’idée du leg bag était de libérer à l'approche du sol un sac de matériel relié au parachutiste par une corde afin que ce sac touche le sol en premier donnant par là même une indication au parachutiste quant à la façon dont il allait réaliser son propre atterrissage. Une affaire qui ne posait pas trop de problèmes en pleine journée mais qui s’avérait assurément toute différente en pleine nuit..."
 
Ce qui est arrivé réellement à Goddard ne sera jamais entièrement connu mais ce qui est certain c’est que tout s’est bien passé avec sa ligne statique (note : La sangle attachée à l’avion et qui ouvre automatiquement le sac du parachute). Son parachute ne s'est pas déployé entièrement, il s’est visiblement emmêlé et s’est mis en torche, peut-être à cause du leg bag, ou d’une sortie trop rapide ou encore du fait de la combinaison de plusieurs facteurs.
 
Clive Basset continue : "Quand on regarde la photographie du Sgt Goddard préparant son sac et que l’on voit le canon de sa carabine dépasser de son leg bag, cela laisse présager un problème potentiel à l’instant de quitter l’avion. Quelques années avant sa mort, John Cox, le chef du team IVOR m’a dit à propos du Sgt Goddard - autant que je m’en souvienne - que cela avait simplement été un tragique accident. Le Captain Cox avait eu lui-même un problème lors de son saut car sa carabine était dans cette même position ; Le canon de sa carabine s’était plié à l'atterrissage ! Le regretté Glyn Loosmore, le remplaçant de Goddard avec qui j’en avais également discuté, était du même avis."
 
Un peu désorientés les deux Jedburghs tentent alors de sortir de la carrière afin de rejoindre l’équipe de réception toute proche. Dans l’obscurité, le Lt Colin qui tient son revolver armé à la main trébuche dans un trou et se tire une balle à travers la cuisse pendant que le Capt. Cox se tord la cheville dans un autre. 
 
Ces blessures légères seront traitées quelque temps plus tard par le médecin du Maquis auquel s’est attaché le team HAMISH mais elles vont limiter un temps les mouvements des deux hommes, donc leurs contacts initiaux avec le Maquis.
 
Dans les airs le quadrimoteur du Lt Jaxtheimer qui a repris la direction de la Bretagne, franchit la côte près de Penvénan (Côtes-d’Armor) puis après une quarantaine de minutes de traversée atteint la côte anglaise aux environs de Seaton (en Cornouaille). L’appareil américain ne rentre pas directement à sa base mais se pose vers 3h40 à Davidstow Moor, une base du Coastal Command située au nord de la Cornouaille et qui sert parfois de terrain de ravitaillement en carburant pour l’US Army Air Force. 
 
L’équipage américain ne retrouve sa base qu’en début d’après-midi (14h41) lorsque le Liberator pose ses roues sur la piste de Harrington.
 
Le premier message (C-1171/55 du 7 août) adressé par le team IVOR est le suivant : "Goddard tué. Ne savons pas comment mais est mort instantanément en touchant le sol. Parachute ouvert mais pas entièrement. Leg-Bag toujours sur lui. Radio complètement détruite. Enterrement demain."
 
Le 8 août le 1st Sergeant Goddard, en présence des membres des teams IVOR et HAMISH, est inhumé avec les honneurs militaires dans le cimetière communal de Beddes. Ce dernier sera remplacé quelques jours plus tard par un nouveau radio, le Sergeant Glyn Loosmore, un anglais issu du team ANDY et la mission du team IVOR s’achèvera avec la libération du Cher qui interviendra à la mi-septembre.
 
Sources : Rapport officiel du team IVOR. Chaleureux remerciement à Messieurs Tom Ensminger – “Carpetbagger” Archivist/Historian et Clive Bassett – “Jedburghs” historian.
 
Annexe 1 :
 
Equipage du B-24H-20CF Liberator – Serial 42-50331 – 850th Bomb Squadron (redésigné plus tard 857th Bomb Squadron)
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JAXTHEIMER, William A. – Pilote
HARRIS, Emerson M. – Co-pilote
NICHOLS, Jack E. – Navigateur
SHILES, Robert E. – Bombardier
HUBBARD, Richard E. – Mécanicien navigant
FORREST, David T. – Opérateur radio
COMBS, James M. – Mitrailleur
CLIFFORD, Chester U. – Mitrailleur et Dispatcher

Annexe 2 :

 
De gauche à droite – Le 1st Sergeant Lewis F. GODDARD (nom de code : Oregon) américain, le Captain John H. COX (nom de code : Monmouth) britannique, et le lieutenant Robert COLIN, (nom de code : Selune - nom de guerre : Yves Marie Dantec) français. 
Source : NA Kew NND 843091 via M. Clive Basset
 
Team IVOR :
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Captain COX John H. (Britannique)
Nom de code: Monmouth
Lieutenant COLIN Robert (Français)
Nom de code : Selune
Nom de guerre : Lieutenant Yves Marie Dantec
1st Sergeant GODDARD Lewis F. (Américain)
Nom de code : Oregon
/
Sergeant LOOSMORE Glyn (Britannique)
Nom de code : Lundy
(Rejoint le team le 14 août 1944 en remplacement du 1st Sergeant Goddard).