Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Avord 28 Avril 1944 (352nd Fighter Group)

Le 28 avril 1944 lors de l'attaque de la base d'Avord par les "Heavies" (surnom des bombardiers lourds) et afin de parer à toute attaque de la Luftwaffe, le 352nd Fighter Group commandé par le Col. Mason (et avec d'autres Fighter Group) est chargé de patrouiller dans le secteur. Ces missions appelées "Type 16 control" sont dirigées depuis l’Angleterre, des opérateurs informant régulièrement les pilotes sur les mouvements de la chasse allemande.
 
Initialement prévu pour ce type de mission, le 352nd Fighter Group voit cette dernière annulée et est dirigé vers les "Heavies" pour les couvrir lors de l'attaque d'Avord. Toutefois le Fighter Group affecte quelques Flights à l’attaque d’aérodromes de la région (Châteaudun, Bourges, etc.), ceci dans le but de faire diversion. 
 
Red Flight - Châteaudun
352nd Fighter Group – 328th Fighter Squadron


Le Lt. Robert H. Powell Jr. pose sur l'aile de son P-51 (Source : Frédéric Hénoff, via Bud Powell)
 
L’aérodrome de Châteaudun (1) est une cible bien tentante pour les quatre Blue nosed bastard of Bodney du Red Flight emmenés par le Capt. Robert Sharp, Red leader, les Lts Robert Powell, Red 3, William Furr, Red 2 et Jamie Laing, Red 4. 
 
Leurs P-51 Mustang plongent vers le sol et avalent à près de 560 Km/h les derniers kilomètres qui les séparent de l’objectif. La surprise est totale sur le terrain d’aviation ou les quelques cibles repérées vont être rapidement détruites.
 
Le Lt. Robert Powell mitraille un bimoteur Junkers Ju88 en stationnement devant un hangar et ses tirs font mouche car les moteurs de l’avion allemand se mettent à brûler instantanément. Durant cette passe, son P-51 baptisé "West 'by Gawd' Virginian" est atteint par un éclat de Flak au niveau du stabilisateur horizontal droit et tout en amorçant sa ressource, Powell signale à ses coéquipiers qu’il a été touché. Il essaie tant bien que mal de garder le contrôle de son Mustang car les dégâts occasionnés à son appareil l’obligent à se servir de ses deux mains pour tirer sur le manche. Powell attends que son avion ai repris suffisamment d’altitude et se prépare à l’évacuer mais sa vitesse diminuant il remarque que l’appareil répond mieux et décide alors de le ramener à la base.
 
Le P-51 de son ailier, le Lt. Jamie Laing, est lui aussi touché et son radiateur, perforé par un éclat, perd rapidement la totalité de son liquide de refroidissement. Le moteur de son Mustang "serre" à une dizaine de miles du terrain ennemi et Laing est obligé de sauter en parachute. Capturé quelques jours plus tard, il passera le reste du conflit dans un camp de prisonniers (2).
 
Le Capt. Sharp et le Lt. Furr escortent Powell qui parvient à ramener son appareil au-dessus de la Mer du Nord puis vers sa base anglaise de Bodney. Le Col. Joe L. Mason, commandant du 352ème Groupe de chasse, appelle par radio le Lt. Powell pour lui demander s'il pense tenter l’atterrissage ou sauter en parachute. Quand Powell lui indique qu’il est décidé à atterrir, Mason lui signifie d’orbiter à 5.000 pieds jusqu'à ce qu'il ait récupéré tous les avions rentrants. 
 
Powell mets à profit cette attente pour vérifier l’état de son Mustang et actionne le train d’atterrissage pour voir comment se comporte son avion. Satisfait et sûr qu’il peut le maintenir stable à basse vitesse, il sort le train et fait une assez délicate mais traditionnelle prise de terrain.
 
Il dira plus tard que cette attaque lui a rappelé le poème célèbre de Tennyson La Charge de la Brigade Légère avec "des tirs de canon à gauche, des tirs à droite, des tirs devant" et que la plupart des pilotes de chasse de la seconde guerre mondiale en conviennent, mitrailler en rase-mottes un terrain d'aviation ennemi est bien plus dangereux qu’un combat aérien - pour preuve le taux de pertes très élevés lors d’attaques à cette altitude.
 
Ce 28 avril, alors que les "Heavies" déversent leur bombes sur Avord, d'autres chasseurs P-51 Mustang du 352nd Fighter Group sont détachés pour attaquer l'aérodrome de Bourges. 
 
Yellow Flight - Bourges
352nd Fighter Squadron – 487th Fighter Squadron
 
Voici ce que le Major Preddy écrit à propos de cette attaque dans son rapport de combat :
 
"A 12h45 le Yellow Flight que je commandais a attaqué l’aérodrome de Bourges. Il y avait stationnés autour du terrain principal et du terrain auxiliaire en herbe, trois monomoteurs, quatre quadrimoteurs et au minimum vingt bimoteurs.
 
J’ai ouvert le feu sur un bombardier moyen Heinkel He111 que j’ai touché à plusieurs reprises mais je n’ai pas pu observer le résultat de mon attaque car j’ai dégagé juste au-dessus de cet appareil. Le Capt. Hamilton a mitraillé un chasseur Junkers Ju 88 qu’il a touché à plusieurs reprises au niveau du cockpit. Le Lt. Allison, son ailier, a vu ce bimoteur flamber après l’attaque. Il a ensuite ouvert le feu sur un des Heinkel He111 du terrain principal et lui a porté plusieurs coups.
 
Le Lt. Allison, qui abordait le terrain derrière le Capt. Hamilton, a aperçu trois chasseurs Focke-Wulf FW190. Il a ouvert le feu sur l’un d’eux et a vu plusieurs de ses tirs le toucher au niveau du cockpit et dans la section centrale. Le Focke-Wulf a commencé à s’enflammer alors qu’il passait à sa verticale. Il a ensuite attaqué un Heinkel He111 sur le terrain principal et a mitraillé son cockpit ainsi que son moteur droit. Le bombardier s’est enflammé immédiatement.
 
Le Lt. Pickering a mitraillé un Junkers Ju88 et a observé des impacts autour du cockpit et de la partie centrale puis le chasseur allemand s’est mis à brûler furieusement. Il a ensuite tiré sur un Heinkel He111 et ses coups ont aussi porté autour du cockpit. Plus tard le Lt. Pickering a aussi tiré sur une tour à haute tension, la touchant à plusieurs reprises."
 
Les chasseurs Junkers Ju88 et Focke-Wulf FW190 revendiqués pourraient appartenir aux I./KG66 et 3./JG105, ces unités utilisant ce type d’appareils et se trouvant basés dans le secteur à cette période.
 
Quant au journal de guerre de la FFS(B)15, l’école de pilotage basée sur l’aérodrome à l’époque, il consacre quelque lignes à cette attaque :
 
"L’aérodrome a été attaqué vers 11h30 par des chasseurs ennemis. Deux appareils de l’école ont été détruits par incendie, un Heinkel He111 qui avait été envoyé à l’atelier d’entretien pour révision ainsi qu'un Heinkel He111 dont on avait procédé à un changement des moteurs."
 
Composition du Yellow Flight le 28 avril 1944 : 

Pilote / Type d’avion / Nickname / Serial / Code et lettre individuelle
Maj. Preddy / P-51B / "Cripes A’Mighty" / 42-106451 / HO-P
Capt. Hamilton / P-51B / "Frances B Too" / 43-6754 / HO-H
Lt. Allison / P-51B / "Opal Lee" / 42-106502 / HO-A
Lt. Pickering / P-51B / "Petie II" / 42-106471 / HO-M (cet l'avion habituel du Group Commander, le Lt. Col. Meyer)
 
(1) Le rapport du Capt. Sharp indique : "believed to be Herbouville (?)" mais le croquis du terrain joint à son rapport et une indication dans le compte-rendu de la Défense Passive de Châteaudun ainsi que le lieu du crash du P-51 de Laing ne laissent aucun doute sur l'identité réelle du terrain.
 
(2) Le Lt. Laing saute à l’Est d’Illiers-Combray situé à environ 20 km au N.O. de Châteaudun. Il faut relever que la Flak de défense du terrain est d’autant plus agressive que l’aérodrome a été bombardé pratiquement deux heures plus tôt par des P-38 Lightning du 55th FG et des P-47 du 353rd FG !
 
Blue nosed bastard of Bodney - les bâtards au nez bleu de Bodney est le surnom donné par les Allemands aux pilotes de ce Fighter Group, faisant référence à la couleur de reconnaissance bleue assignée à ce groupe de chasse et peinte sur le nez des appareils.