Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Saint-Hilaire-de-Gondilly 4 - 5 mars 1944



Bombardier Stirling MkIII - EH906 – code XY-T
No.90 Squadron - Bomber Command
4-5 mars 1944


Dans la nuit du 4 au 5 mars 1944 un bombardier quadrimoteur Stirling appartenant au No.90 Squadron de la Royal Air Force est abattu par la Flak allemande du terrain d’aviation d’Avord (Cher). Tout l’équipage évacue sauf le pilote qui périt aux commandes de son appareil qui s’écrase près de Saint-Hilaire-de-Gondilly. Cet avion avait décollé à 20h35 de sa base de Tuddenham (Suffolk) afin de parachuter des armes, des munitions et du ravitaillement pour un maquis de Haute-Savoie.

F/Lt French                Royal Air Force                     (Tué – Inhumé à St-Hilaire-de-Gondilly)
Sgt Cashmore             Royal Air Force                     (Prisonnier)
F/O Yarwood             Royal Air Force                     (Evadé)
F/Sgt Hoffberg           Royal Canadian Air Force     (Prisonnier)
F/Sgt Farrington         Royal Air Force                     (Prisonnier)
F/Sgt Buchanan          Royal Australian Air Force    (Evadé)
F/Sgt Bulmer              Royal Air Force                     (Evadé)

F/Lt. Cyril V. F R E N C H
(Pilote)
 
 
Récit de l’enterrement par Mlle Hélène PERNOT dite Lénio (Morte en déportation) : Les autorités allemandes ont confié la dépouille à la commune de Beaurenard, le cercueil de bois clair a été déposé dans la petite chapelle de l’endroit, et conduit cet après-midi au cimetière de Saint Hilaire, distant de 5 kilomètres. Bien des personnes ont regretté de n’avoir pu accompagner l’inconnu, faute d’avoir été prévenues ; plusieurs, par contre, ont fait 15 kilomètres à pied et s’en sont retournées de même. J’étais moi-même en retard, et en suivant son itinéraire, j’ai essayé de rattraper le convoi. La route sablée, sinueuse, traverse en pente douce quelques petits bois, au loin apparaît soudain le vieux château de Menetou-Couture, l’horizon est clair, l’âpre vent du Nord souffle en rafales et fouette le visage,  mais le ciel reste couvert et la lumière s’adoucit. Par ma course rapide, je rattrape de petits groupes, pressés eux aussi de rejoindre l’ami qui chemine si affreusement solitaire. Je les dépasse, et soudain devant moi, au creux d’un vallon, une tâche sombre se meut lentement. Je fonce un peu plus vite encore, et me voici mêlée à l’humble cortège : une dizaine de personnes, hommes et femmes, suivent une carriole sur laquelle repose, calée par deux rondins de bois fraîchement taillés, la bière que recouvre un drap de lit blanc, plié en deux dans sa longueur.

La route caillouteuse, aux ornières encore gelées, rend les pas inégaux ; chacun pose le pied où il peut ; mais le cheval, lui, a charge légère, et son maître qui le tient par la bride et chemine la tête basse, reste silencieux. On traverse un hameau, des familles attendent sur le pas de leur porte l’hôte d’une heure et emboîtent le pas. Et à chaque porte se répète ainsi le geste de solidarité ou de reconnaissance. On parle peu, l’homme reste inconnu, on ne peut donc ni chanter ses vertus, ni parler de sa femme. Mais on le suit et c’est beaucoup pour le paysan qui doit pour cela quitter sa terre, son étable, son champ. Saint Hilaire est là, petites maisons basses tournées vers le soleil, et l’église à côté nous attend. Un troupeau d’oies s’écarte, battant des ailes majestueusement, et deux enfants de chœur, pas plus hauts qu’une botte, grosses galoches aux pieds, le nez rougi de froid, regardent s’approcher « l’événement ». L’officiant, très jeune encore, ému sans vouloir le paraître, dit : « serait-ce un Canadien ? Nous aurions alors un catholique probablement ». Par-dessus son épaule je lis le permis d’inhumer. Aucun nom - aviateur inconnu - mort accidentellement dans la commune -.

La cérémonie commence, soixante-six personnes pénètrent dans l’église, touchante de pauvreté rustique et de clarté sereine. Foule attentive et silencieuse, qui grossit de minute en minute. Deux jeunes filles apportent des bouquets blancs - fleurs artificielles, posées sur le cercueil, quelle pitié et quelle tendresse vous exprimez. Drapeau anglais minuscule, caché au cimetière sous les feuilles, que diras-tu lorsque nous serons partis ? La voix du prêtre quitte soudain la douceur du chant liturgique pour se durcir en une courte allocution :

« Frères, vous êtes venus accompagner cet inconnu, cet étranger, qui a fait son devoir et servait sa patrie, et que pleurent sans doute une femme et des enfants. C’est bien. Mais quand le monde cessera il cette folie qui fait pleurer les femmes et les enfants ? Quand donc saura-t-il appliquer l’immortel « aimez-vous les uns les autres ? » 

« Toi, mort inconnu, ne t’avons-nous pas tous un peu aimé, pour la terrible solitude que le sort t’inflige, pour ton angoissant incognito ? Ton nom nous est caché, nous n’avons jamais vu tes traits ni entendu ta voix. Je songe à tes camarades, échappés, peut-être au loin déjà, qui te cherchent en pensée. En pieux souvenir, plus tard, tu les accompagneras. Mais maintenant tu es là, et quatre hommes tendent leurs muscles, te portent à bout de bras.»

Ce sera dur, le chemin monte, le sable épais est mou et les pieds y enfoncent. A ma gauche un vieillard -je remarque ses sabots neufs vernis de frais- demande à mi-chemin : « Personne n’est fatigué ? » il prendrait volontiers une part du fardeau. La tombe attend, en haut à gauche, à côté d’une autre, couverte de sable frais. Petit cimetière de campagne, tu n’offres pas la laideur des nécropoles citadines, ton silence est toute intimité. Et maintenant commence le lent défilé. Le prêtre veille sur le bord de la tombe, et chacun au fond de son cœur rend les honneurs que l’adversaire n’a pas offerts. Je compte cent-vingt personnes de tout âge. Un jeune homme pleure, un mutilé, dans sa voiture, manœuvre pour approcher et bénir à son tour celui qui a souffert. C’est fini, chacun s’en retourne chez soi. Quelques femmes et moi faisons un détour pour, au fond d’un vallon, contempler la carcasse de l’oiseau abattu et démantibulé.

S/Sgt. Joseph T. C A S H M O R E
(Mécanicien)

Son témoignage extrait de “The Stirling Story” par Michael J. F. Bowyer : Au moment de sauter à travers la trappe quelque chose dans la marche de l’avion m’a fait penser qu’après tout il n’allait peut-être pas s’écraser. Je me suis dit que j’allais peut-être pouvoir aider le pilote alors j’ai commencé à avancer dans la carlingue et je suis monté dans la tourelle supérieure histoire de voir s’il y avait toujours des flammes du côté de l’aile gauche. Ce que j’ai vu m’a fait rapidement revenir vers la trappe : l’aile entière n’était plus qu’un immense brasier ; le feu courait d’une extrémité à l’autre et des flammes jaillissaient au-delà de la queue.

Avant d’atteindre la trappe j’ai sentis que le Stirling piquait du nez et qu’il allait entamer son ultime plongeon. Les « g » négatifs m’ont décollé du sol et pour pouvoir avancer j’ai été obligé de m’accrocher aux sangles du chargeur à munitions fixées au plafond du fuselage. Quand j’ai enfin atteint la trappe je me suis assis au bord de l’ouverture et j’ai regardé en bas ; le sol était si près que je n’arrivai pas à me décider à sauter et je me suis demandé durant un court instant s’il ne valait pas mieux rester dans l’avion et espérer que le pilote réussisse un atterrissage convenable.

Finalement j’ai sauté. J’ai tiré sur la cordelette d’ouverture, j’ai regardé en l’air et j’ai vu les suspentes du parachute filer si lentement que je me suis dit que la corolle n’aurait pas le temps de se déployer à temps. Quand j’ai repris connaissance j’ai vu que je n’étais pas blessé et que je ne devais la vie qu’au fait d’être tombé dans une dépression de terrain remplie de plusieurs couches d’une neige épaisse. De l’endroit où je me trouvais,  j’apercevais l’incendie du Stirling et j’entendais les claquements et les explosions des munitions. (Note : CASHMORE trouve de l’aide auprès de M. Louis BLOT à LA GUERCHE SUR L’AUBOIS. Il est capturé avec son guide sur dénonciation le 8 mars 1944 près d’Annecy.)

F/O Harry C. Y A R W O O D
(Navigateur) 

Rapport d’évasion (Archives Nationales, Kew – Angleterre) : Le 4 mars 1944 nous avons décollé à 20h30 de TUDDENHAM à bord d’un Stirling dans le cadre d’une opération spéciale sur la France. A 22h52 nous avons été pris par le faisceau d’un projecteur et la Flak près de BOURGES et le moteur extérieur gauche a été touché puis a pris feu. Le pilote a essayé de reprendre de l’altitude mais rapidement après il nous a intimé l’ordre de sauter. J’ai été le premier à sauter, rapidement suivi par le reste de l’équipage. Tous ont atteint le sol sans problèmes (je l’ai appris plus tard) sauf le pilote qui a été tué dans l’avion qui s’est écrasé peu après. J’ai enlevé mes insignes, je les ai enterrés avec mon parachute et mon gilet de sauvetage et je me suis mis à marcher vers l’Est en m’aidant avec les étoiles. Je n’avais pas de compas avec moi car j’avais perdu mon kit de secours durant ma descente. J’ai marché sans rencontrer quiconque jusqu’à 3h00 et j’ai atteint les premières maisons de TORTERON. Je suis entré dans une grange et j’ai dormi jusqu’à 7h30, quand j’ai aperçu un homme sortir d’une maison à côté. Je me suis présenté à lui. Il m’a immédiatement invité à l’intérieur de sa maison et m’a donné un peu de nourriture. Pendant que j’étais là, un vieil a appelé et a dit qu’il m’emmènerait rencontrer un homme qui pourrait parler anglais. Je suis allé avec lui et à partir de ce moment mon voyage a été organisé.  

Annexe « C » : L’homme qui a appelé à TORTERON dans la maison où j’étais logé est M. PABIOT. Il m’a emmené vers une maison appelée « La Garenne », propriété de M. Henri PERNOT, un professeur de Grec à l’université de Paris. Là j’ai rencontré le professeur, sa femme et leur fille Hélène, qui était membre d’une organisation de résistance. Hélène m’a interrogé de près et a examiné minutieusement mes vêtements. En faisant cela, elle a détruit par inadvertance les trois photographies que j’avais cachées dans la doublure de ma tunique. Pendant que j’étais chez eux on m’a donné des vêtements civils et coupé mes bottes d’évasion. Le 5 mars je suis allé à NEVERS à vélo avec Hélène, précédé par une voiture où avait pris place le docteur et le chef de la gendarmerie locale afin de s’assurer que la route était sure. Nous sommes restés quelques heures avec une française, Mme HART (mariée à un américain), qui habitait juste en face de l’entrée principale de la gare. Le même jour, Hélène m’a accompagné à PARIS. Nous avons voyagé dans un train de seconde classe rempli de soldats allemands. Il n’y a pas eu de contrôles durant le voyage. Nous avons atteint Paris à 21h30 et nous sommes allés en métro vers la Place de la Nation, dans l’appartement de M. et Mme VIGNAL, beau-frère et sœur de Mlle PERNOT. Je ne pouvais rester là car ils avaient trois petits enfants alors je suis monté deux étages plus haut, dans l’appartement de deux vieilles filles, Mlle Lucille et Madeleine PIERRARD. Le 7 mars M. VIGNAL et M. André GILBERT m’ont rendu visite. Le lendemain je suis allé séjourner chez M. et Mme GILBERT où j’ai été rejoint le 12 mars par mon mitrailleur arrière, le F/Sgt. BULMER. Pendant notre séjour on nous a fabriqué de fausse des cartes d’identité et M. RIGAUD, membre d’une organisation, est venu nous rendre visite. Le 30 mars, M.VIGNAL et une jeune femme nous ont emmenés dans un café et nous ont remis à une infirmière de la croix rouge. Peu après, elle nous a présenté à M. Jean-Louis KERVEVAN, un jeune homme parlant l’anglais. Nous avons été rejoints par une jeune fille puis emmené dans un appartement où nous avons passé la nuit. Le lendemain, ce jeune homme nous a conduits chez M. et Mme Paul CHRISTOL qui habitaient au sixième étage d’un grand immeuble près de la gare d’Austerlitz. Nous sommes restés chez eux jusqu’au 4 avril. Ce jour-là, Mme CHRISTOL nous a conduits au Jardin des Plantes près de la gare d’Austerlitz où nous avons retrouvé M. KERVEVAN qui nous a remis à Pierre LE BERRE et Geneviève CROSSON. Nous avons pris le train pour MONTAUBAN en compagnie de ces deux personnes, de deux français et de deux aviateurs américains, les Lieutenants SCREWS et WILLIAMS. Nous sommes arrivés à MONTAUBAN à 1h00 le 5 avril et nous nous sommes dirigés vers un parc où nous avons attendu l’heure de notre correspondance pour TOULOUSE. De cette ville nous sommes allés à PAU où nous avons passé la nuit dans un hôtel. Dans la soirée du 6 avril les deux américains nous ont quittés avec un guide et peu de temps après, BULMER et moi nous sommes partis avec un français pour NAVARRENX, pourvus d’un ticket de bus. Nous avons rejoint cette ville sans incident et nous sommes allés tout droit à l’hôtel du Commerce où un membre de l’organisation nous a rejoints. A 22h00 nous sommes partis en voiture avec un guide. Nous avons atteint les contreforts des PYRENNEE au bout d’une heure et nous avons commencé à marcher immédiatement. A 3h00, le matin du 7 avril, nous avons fait une halte dans une ferme où l’on nous a donné de la nourriture. Nous sommes repartis à 5h00, accompagnés du fermier, du guide et d’un Belge, M. Charles LECHAT, qui a effectué avec nous tout le trajet à travers l’Espagne et que nous avons rencontré plus tard à GIBRALTAR. Finalement nous avons atteint une grange où nous nous sommes reposés un moment et où nous avons changé de guide. Ensuite nous avons continué à marcher jusqu’à 0h30 le 8 avril où deux autres guides nous ont récupérés. Nous avons encore marché jusqu’à ce que nous atteignions une autre ferme où nous avons reçu à manger et où nous avons dormi. A 15h00 nous sommes partis avec un fermier pour guide et nous avons atteint le sommet de la montagne où nous avons été rejoints par un autre guide. Cet homme avait de grandes moustaches et était accompagné d’un petit chien blanc. Nous avons franchi la frontière à 2h00 le 9 avril et peu après notre guide nous a quittés en pointant du doigt le chemin à suivre. Au pied de la montagne, nous avons été arrêtés par des policiers de la Guardia Civil espagnole qui nous ont emmenés à USTARROZ où l’on nous a donné un repas. Là, nous avons été fouillés et l’on nous a retiré nos couteaux de poche. Ensuite nous avons été transportés à la prison d’ISABA où nous avons été interrogés par le gouverneur militaire qui nous a posé des questions d’ordre général mais à part nos noms et matricule, nous ne lui avons rien dit. Nous sommes restés là une nuit et le lendemain nous avons été libérés et escortés jusqu’à PAMPELUNE où il m’a été possible de joindre l’attaché de l’air à MADRID. Nous sommes restés à PAMPELUNE jusqu’au 5 mai puis nous avons passés quelques jours à ALHAMA ainsi qu’à MADRID et nous avons atteints GIBRALTAR, le 21 mai.

F/Sgt. Murray M. H O F F B E R G
(Bombardier)

Récit d’après témoignage d’Hélène PERNOT et document Archives Nationales de Kew, Angleterre : Le F/Sgt Murray M. Hoffberg - un juif Canadien -  est le premier à évacuer l’avion. Après avoir touché le sol il passe la nuit caché dans un bois et au matin, dans les environs de Bengy-sur-Craon, il frappe à la porte d’une ferme (Note : Identifiée) qu’il a repérée. Les fermiers (Note : Identifiés) lui offrent du café mais préviennent aussi les gendarmes locaux qui le remettent ensuite aux mains de la Gestapo de Bourges. Après avoir été questionné par le SD de Bourges, le F/Sgt. Hoffberg est envoyé en Allemagne.

(D’après un témoignage, le F/Sgt. Hoffberg aurait été pris pour un « terroriste » par ces fermiers, ce qui explique peut-être qu’ils aient pris peur et aient prévenu les autorités).


F/Sgt. Donald A. F A R R I N G T O N
(Opérateur radio)

Témoignage personnel de l’aviateur : Par une fraîche nuit de pleine lune, nous avons décollé à 20h30 en direction d’une zone de parachutage au sud de Lyon et, après avoir franchi la côte française, notre Stirling est descendu à 1500 pieds. C’était une belle nuit avec de la pleine lune presque tout le temps et la réverbération de la neige sur le sol nous donnait l’impression de voler comme en plein jour. Alors que nous approchions du point prévu pour notre changement de cap, nous sommes descendus à 300 pieds afin de permettre au bombardier de confirmer notre position. C’est à peu près à ce moment-là que l’avion a été tout à coup enveloppé d’une lumière aveuglante, suivie très vite par celles d’une multitude d’autres projecteurs. Les tirs de Flak n’ont ensuite pas tardés à toucher la plupart des différentes parties de l’appareil. Nous étions encore à peu près indemnes lorsque l’un des deux moteurs de l’aile gauche a été touché puis s’est enflammé, assez rapidement suivit du second moteur. Le pilote a essayé de gagner un peu d’altitude puis l’ordre de sauter est arrivé.

Ce qui me reste en mémoire c’est le souvenir d’être assis sur le seuil du panneau latéral et de regarder le sol qui me semble si proche. Après mon saut j’ai immédiatement tiré sur ma cordelette et j’ai atterri dans un champ de pommes de terre qui était recouvert de neige, ce qui m’a évité d’avoir les deux jambes brisées. Tout le monde a quitté l’avion sauf le pilote. Il a tenté d’en garder le contrôle mais pour sauver sa peau il n’avait alors plus qu’une seule option; tenter un atterrissage sur le ventre. J’ai su plus tard que l’appareil s’était désintégré en touchant une rangée d’arbres. Notre pilote, que nous l’appelions tous Frank, moi-même et l’ensemble des membres de mon équipage nous lui devons la vie.

Après mon saut j’ai passé la nuit dans un bois afin de faire le point. Au matin je me suis rendu dans une ferme toute proche où les fermiers m’ont aidé mais à la nuit ils m’ont demandé de partir car c’était trop dangereux vu que les allemands menaient des recherches aux alentours. Après quatre jours de marche dans la campagne alentour, alors que je marchais sur la route, un homme s’est approché de moi et m’a demandé si j’étais anglais. Après lui avoir répondu par l’affirmative il s’est occupé de moi puis m’a conduit chez M. DEVILLE à LA CHAPELLE HUGON. J’ai été caché chez eux quelques jours (un de leurs amis, M. DESARBRES le boulanger, venait me rendre visite régulièrement) puis chez l’instituteur M. LAMOTTE. Durant ce séjour une femme (Note : Mlle Hélène PERNOT) est venue me voir et c’est par elle que j’ai eu connaissance du décès de mon pilote et que mes équipiers YARWOOD et BULMER étaient à Paris, cachés dans un appartement. Elle m’a dit aussi que pour l’instant je ne pouvais les rejoindre car cela aurait été trop dangereux pour la famille qui les hébergeait. On m’a conduit ensuite chez M. GIRAUD, instituteur à LA GUERCHE SUR L’AUBOIS car ma présence au village commençait être connue de trop de monde. Quelques jours plus tard j’ai été emmené à motocyclette jusqu’à BOURGES où un guide m’a accompagné en train jusqu’à VIERZON. Après avoir passé la nuit dans cette ville, non loin de la gare, nous avons pris un autre train bondé en direction de Paris. Je ne me rappelle plus le nom de la gare où nous sommes descendus mais mon guide m’a dit que nous avions encore à faire une quinzaine de kilomètres à pied. Nous avons atteint CLEMONT où j’ai été caché quelques jours chez M. BEAUCHER. Un jour M. BEAUCHER m’a dit que j’allais partir vers un autre endroit et que j’allais y retrouver d’autres aviateurs.

(A partir d’ici, Don Farrington ne donne plus les noms des lieux et personnes qui l’ont aidé).

Dans cette ferme (Note : M. LE CAM, ferme la Breuzette à THENIOUX) que j’ai retrouvé cinq autres aviateurs, trois anglais et deux américains. Le lendemain de mon arrivée trois d’entre nous ont été transférés ailleurs en début de matinée par son fils (Note : en fait son futur gendre, M. CHAGNOUX) mais ils ont été arrêtés par la Feldgendarmerie durant le trajet. D’après ce que j’ai su plus tard, le fermier avait été dénoncé par le propriétaire de la ferme qu’il louait. Quant à moi, je passais cette journée près d’un étang avec mes deux compagnons. Nous avions comme consigne, à notre retour, de ne pénétrer dans la ferme que si nous apercevions le fils du fermier, mais en rentrant se sont des uniformes allemands que nous avons aperçu dans la cour. Nous avons fui à travers champs et nous avons rapidement atteint une grande route, puis, par un petit pont nous avons traversé une voie de chemin de fer et un canal. Au bout d’une dizaine de minutes nous avons avisé une ferme isolée (Note : près de THENIOUX) où nous avons demandé de l’aide. Un des hommes était instituteur et il nous a dit qu’il connaissait un collègue qui pourrait nous aider.

En quittant la ferme nous sommes tombés très vite sur une rivière que notre guide nous a fait traverser (Note : le CHER). Arrivés au village, nous avons rencontré l’instituteur (Note : Il pourrait s’agir de M. THOMAS à SAINT GEORGES SUR LA PREE) qui nous a hébergé pour la nuit. Le lendemain un visiteur de retour de Paris est venu nous voir et nous a dit qu’il était au courant de l’arrestation de MM. LE CAM et CHAGNOUX ; il nous a dit également qu’il allait nous trouver une autre cachette. Le lendemain, accompagné de cet homme, nous avons pénétré dans une grande propriété (Note : Appartenant à M. de HAUTECLOCQUE à SAINT GEORGES SUR LA PREE) où nous avons rencontré une charmante dame, française, mais qui avait vécu longtemps en Angleterre. Nous avons rejoint une chaumière abandonnée située dans les bois qui entourait leur maison et après trois jours monotones, nourris et lisant des livres prêtés par cette charmante dame, nous avons été déplacés vers une ferme située à une dizaine de kilomètres de là. C’est après avoir passé une nuit sur place que nous avons intégré un groupe de maquisards commandés par un agent Britannique (Note : Mlle CORNIOLEY alias PAULINE). Le 11 juin, cinq jours après le débarquement de Normandie, notre maquis a été encerclé par les troupes allemandes et après un combat soutenu… j’ai été capturé.
  
F/Sgt. James E. G. B U C H A N A N
(Mitrailleur supérieur)

Rapport d’évasion (Archives Nationales, Kew – Angleterre) : Nous avons décollé de TUDDENHAM à 20h30 le 4 mars 1944. Nous avons été touchés par la Flak et l’avion a été incendié. A environ 22h30 j’ai sauté en parachute et atterri dans les environs de MORNAY-BERRY. Je me suis caché dans un bois pour la journée du 5 mars et j’ai commencé à marcher vers le sud dès qu’il a fait noir. Je suis passé dans NERONDES au petit matin du 6 mars et j’ai rencontré un fermier au sud du village. Je suis resté caché avec lui pour la journée. J’ai continué à marcher vers le sud à l’aide du compas durant les heures d’obscurité et j’ai traversé OUROUER-LES-BOURDELINS puis BANNEGON. Là j’ai reçu un repas et de la nourriture pour mon voyage, mais j’avais toujours mon uniforme australien. J’ai ensuite traversé ANAY-LE-CHATEAU et URCAY et atteint MONTLUCON. J’ai traversé la ville de nuit et suis arrivé à QUINSSAINES. Là, j’ai rencontré un fermier qui m’a donné de la nourriture, un abri et a contacté des membres de la Résistance. Le lendemain 10 mars, trois hommes sont venus en voiture et après interrogatoire, ils m’ont emmené au village de DOMERAT. Je suis resté là pour huit jours et le 18 mars je suis parti en camion pour le village de BRIFFONS. A BRIFFONS je suis resté pour deux semaines, travaillant avec le Maquis à recueillir les fournitures parachutées par avions. A la fin mars, notre bande s’est déplacée dans les bois près d’EYGURANDE. Là, j’ai été mis en contact avec les aviateurs ci-après qui vivaient avec une autre bande des environs : F/Lt. MASON, W/O NELMES, Sgt. LEE, Sgt. COLUMBUS, Sgt. HURST, Sgt. BREARLEY, tous de la R.A.F. et le Sgt. WENDT de l’U.S.A.A.F. Fin avril le Maquis s’est déplacé vers la FORET DE LA MARGERIDE et nous avons vécu dans un village près de VEDRINES SAINT-LOUP. Je suis resté là pendant quatre jours puis je suis allé vers un autre village situé à environ cinq kilomètres plus loin où, le 7 mai j’ai rejoint le F/Lt. MASON et ses compagnons. A partir de là, mon histoire est la même que la sienne.

Annexe « C » : Egarée par les National Archives de Kew (Londres).   

 F/Sgt. Stephen T. B U L M E R
(Mitrailleur arrière)

Rapport d’évasion (Archives Nationales, KEW – Angleterre) : Le 4 mars 1944 nous avons décollé à 20h30 de TUDDENHAM à bord d’un Stirling dans le cadre d’une opération spéciale sur la France. A 22h52 nous avons été pris par le faisceau d’un projecteur et la Flak près de BOURGES et le moteur extérieur gauche a été touché puis a pris feu. L’ordre nous a été donné de sauter en parachute. J’ai atterris dans un champ, enterré mon gilet de sauvetage et mon parachute et j’ai immédiatement commencé à marcher en m’aidant avec les étoiles. Après avoir marché environ 6 kilomètres, je suis entré dans un bois où je me suis caché. Je suis resté là pour la nuit et toute la journée suivante car il y avait beaucoup de gens aux alentours et je ne voulais pas prendre le risque d’âtre aperçu. J’ai mangé mes rations pendant que je me cachais. Quand il a commencé à faire nuit j’ai recommencé à marcher à travers la campagne, en prenant soin d’éviter les routes principales. Après plusieurs heures je suis arrivé à une ferme et je me suis caché sous une meule de foin. Je suis resté là jusqu’à midi quand j’ai aperçu un paysan qui s’approchait de la meule. Je l’ai appelé et dans un mauvais français je lui ai dit qui j’étais. Il m’a donné un peu de nourriture et m’a dit de me rendre au village de LAVERDINES. J’ai marché à travers le village et je me suis caché sous une haie jusqu’à ce qu’il fasse nuit puis je me suis approché des bâtiments d’une ferme. Je me suis présenté au fermier, qui m’a fait entrer à l’intérieur de sa maison et m’a donné à manger. Il était si excité qu’il a invité de nombreux amis à venir chez lui pour me voir, ce qui m’a semblé être la chose la plus insensée à faire. Je suis resté dans cette ferme pour la nuit et le jour suivant. Le 8 mars j’ai été conduit dans une autre ferme où je suis resté deux jours. Les deux fermiers m’ont fourni des vêtements civils. Des contacts avec une organisation ont été pris pendant que j’étais là et à partir de cet instant, mon voyage a été organisé.

Annexe « C » : J’ai été conduit à la ferme de M. SIWIOREK le 8 mars. Le lendemain, leur fille CHRISTINE a contacté le membre d’une organisation (Note : M. Georges LASNE) et a pris des dispositions avec un homme de NERONDES pour qu’il me récupère en voiture. Nous sommes allés au rendez-vous, mais il ne s’est pas présenté. Le lendemain, le 10 mars, il a appelé à mon sujet et m’a emmené vers un château à NERONDES. Je ne connais pas le nom du propriétaire, mais il est grand, un homme mystérieux, âgé d’environ quarante ans. C’est un grand propriétaire qui a servi avec l’un des régiments de la garde de l’armée anglaise durant cette guerre. Il peut parler anglais couramment, et m’a dit qu’il avait en ce moment quinze agents des services secrets anglais à la maison, bien que je n’aie aperçu aucun de ces derniers. (Note : M. le Comte Alain de GOURCUFF, château de Fontenay à TENDRON) J’ai passé la nuit au château et l’on m’a fourni un assortiment complet de vêtements civils. Le lendemain l’homme à la voiture a appelé et m’a emmené à NEVERS. Sur le chemin nous avons récupéré Mlle Hélène PERNOT qui a déjà aidé et abrité le F/O YARWOOD, un membre de mon équipage. Après avoir attendu quelques heures à NEVERS chez M. et Mme HART qui habitent juste en face de l’entrée principale de la gare, j’ai pris le train vers PARIS, accompagné de Mlle PERNOT. J’ai passé la nuit dans l’immeuble où habite son beau-frère M. VIGNAL et le lendemain j’ai été conduit à l’appartement de M. GILBERT où j’ai retrouvé le F/O YARWOOD. A partir de là, mon trajet est le même que le sien.  

Epilogue : A son retour de captivité Joe Cashmore fut affecté au No.73 Storwood Camp, un camp de travail pour prisonniers allemand situé à Melbourne dans le Yorkshire. Discutant un jour avec un prisonnier, ce dernier lui raconta qu’il avait obtenu une décoration - la Croix de Fer - après avoir abattu un bombardier quadrimoteur Stirling dans le Centre de la France en mars 1944. Ce prisonnier ajouta que cet avion volait très bas et qu’il s’était écrasé en flammes quelques kilomètres plus loin. Intrigué, Cashmore lui apporta une carte de France détaillée pour qu’il lui montre exactement où se trouvait son unité à ce moment-là. L’allemand pointa du doigt le village d’Avord puis celui de Saint-Hilaire-de-Gondilly, en lui déclarant que c’est à cet endroit que le bombardier avait touché le sol. Le hasard avait fait que Joe Cashmore rencontre l’homme qui avait mis fin prématurément à sa participation active au conflit mondial. Cet allemand, l’Unteroffizier Heinz ULRICH, commandait à l’époque une batterie de Flakvierling* assurant la défense de la base d’Avord.

 * Le Flakvierling est un canon de D.C.A. quadruple (quatre canons de 20 mm sont montés sur un même affût.)
Tous mes remerciements pour leur aide à Mme Francine ELZIERE, M. Donald FARRINGTON, M. Jocelyn LECLERCQ.