Dun-sur-Auron - Site de lancement de fusées ?

Cocardes françaises à l'aéroport (Septembre 1944)

    Des avions portant les cocardes françaises vont quelques jours occuper l'aéroport. Il s'agit d'appareils du "Groupement Patrie" venus en soutien des forces F.F.I. pour surveiller notamment le mouvement vers la Loire des colonnes allemandes (Elster) après leur reddition.

    Douglas DB-7 et Douglas A-24 du Groupement Patrie stationnés devant l'usine SNCAC de  Bourges en septembre 1944 (Source : Marc Berton)

Qui sont ces aviateurs français ?
    Le "Groupement Patrie", avec comme commandant le lieutenant-colonel Jean Demozay, alias Morlaix, est créé sur la base aérienne de Mouzaïaville (Algérie) le 22 août 1944. Il est constitué d'un groupe de transport doté de bimoteurs Douglas DB-7 et de Glenn-Martin 167 (du GB* 1/34 Béarn) et d'un groupe d'opérations doté de monomoteurs Douglas A-24 Banshee. Ce dernier est formé de deux escadrilles d’une dizaine d’avions, les uns en provenance de Syrie (avec des appareils du GCB** 1/17 Picardie stationné à Rayack) et les autres issus des écoles de pilotage du Maroc. Il prend le nom de 1/18 "Vendée", avec comme patron le Commandant Lapios, qui commandait auparavant l'escadrille du "Picardie". Le groupe comporte deux escadrilles; la première (les équipages syriens) est dirigée par le Commandant Lapios lui-même et par le Capitaine Boucherie. La deuxième (les équipages des écoles) est emmenée par le Capitaine Mailfert.
    Le 29 août les avions atterrissent à Toulouse-Francazal puis, le 30 au soir, décollent pour l'aérodrome de Toulouse-Balma d'où ils vont opérer au profit des FFI. Les A-24 collent aux basques des colonnes allemandes qui se retirent précipitamment vers le nord, vers la frontière allemande. Entre le 31 août et le 19 septembre 1944, alors basé à Bourges, le groupe aura effectué 70 missions de reconnaissance et perdu un équipage [31.8.1944, Marigny-Chemereau (Vienne) équipage Sgt-Chef Louis Combrisson, revenu à l'unité et Sgt Félix Laplace, tué].
    Toujours en soutien des forces F.F.I. deux A-24 partent en opérations à Vannes-Meucon le 19 septembre. Après une reconnaissance des secteurs de Lorient et de la Vilaine, devant l'importance de la tâche, le Commandant Lapios déplace tout son groupe de Bourges vers le Morbihan, après autorisation du Colonel Morlaix (Jean Demozay). Là, les opérations sont laissées pour un temps à l'initiative du commandant du groupe, en liaison avec les autorités locales et en particulier avec les Commandants des Bataillons engagés en ligne. La mission des six A-24 du contingent de Vannes est donc de soutenir l’effort des FFI autour des poches de Lorient, Saint-Nazaire et sur la basse Vilaine. Début décembre 1944, le groupe sera englobé dans une nouvelle entité – les Forces Aérienne de l’Atlantique. Le contingent de Vannes du 1/18 "Vendée" quittera la Bretagne le 17 mai 1945.
* Groupe de Bombardement
** Groupe de Chasse et de Bombardement

    Le "Vendée" est à Bourges du 13 Septembre à fin Septembre 1944. Il arrive de Cazaux et outre la révision des avions, ses missions vont principalement être des reconnaissances armées (notamment de la colonne Elster) ainsi que quelques mitraillages au-delà de Dijon et dans la région de Châlon-sur-Saône. En Berry les problèmes d’approvisionnement demeurent critiques – avec un manque notoire de carburant et de munitions.

Un Douglas A-24 du GCB 1/17 Picardie, future 1ère Escadrille du 1/18 Vendée (source : famille Détrait)


    Ci-dessous, quelques copies de Bulletins de Renseignements issus du Groupe qui concernent la région de Bourges, le dernier un secteur plus à l'Est :

12.9.1944, CAZAUX
    Etat des terrains :
    Le terrain de BOURGES (ancien aéroport – Ecole HANRIOT) est excellent – Bande de ciment. Renseignements sur l'ennemi :
    Région Châteauroux – Issoudun – Bourges – Les colonnes Allemandes qui remontent vers NEVERS progressent irrégulièrement. Les colonnes de DUN-SUR-AURON (Sud de BOURGES) se sont rendues hier : fractionnées en quatre colonnes elles doivent être dirigées au Nord de la Loire pour être internées, dans un délai de vingt-quatre heures lorsqu'elles seront désarmées par le 1er Régiment d'Infanterie. Hier il y avait encore quelques combats dans cette région, où des F.F.I. ont été attaqués par une dizaine d'allemands (à MAREUIL). ISSOUDUN et CHÂTEAUROUX sont libérés, un Général Américain [le Major General Robert C. Macron] est arrivé à ISSOUDUN.

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13.9.1944, BOURGES
    Reconnaissance au profit des F.F.I. sur colonnes en formation région BOURGES Sud-Est – Sud – Sud-Ouest.
    A) Colonne CHÂTEAUNEUF :
8h10 – Avant-garde d'une trentaine de voitures autos s'engage sur la route de SAINT-FLORENT, le long du Cher. Le gros est formé de voitures à chevaux et bicyclettes.
9h10 – L'avant-garde atteint MEHUN-SUR-YEVRE – Sur la rive gauche du Cher quelques éléments suivent le mouvement général.
    B) Colonne LEVET :
8h15 – Convoi en station sur route CHÂTEAUNEUF – LEVET; voitures hippomobiles.
9h40 – Le convoi est constitué. Le gros borde la forêt de SOUDRAIN, occupe LEVET et s'engage sur route de PLAIMPIED. Les troupes passent dans LEVET au pas cadencé.
    C) Colonne SANCOINS :
8h26 – Un très long convoi traverse la ville de SANCOINS. Ce convoi va de GROSSOUVRES jusqu'à six kilomètres à l'Ouest de SANCOINS. Voitures hippomobiles et bicyclettes. L'avant-garde attaeint LA-GUERCHE.
9h25 – L'avant-garde passe à NERONDES et progresse vers MORNAY.

    Reconnaissances effectuées le 13 septembre après-midi. Observations des colonnes faisant mouvement autour de BOURGES.
    A) Colonne de CHÂTEAUNEUF :
14h30 – Voitures automobiles vers LUNERY – Voitures hippomobiles au Nord de SAINT-FLORENT sur les deux rives du Cher. Beaucoup d'éléments parvenus à MEHUN-SUR-YEVRE.
16h20 – Colonne de soixante véhicules sur rive gauche du Cher à la sortie de SAINT-FLORENT. Cette colonne en très bon ordre, drapeau en tête. A l'entrée de SAINTE-THORETTE, colonne hippomobile et idem au Nord de SAINTE-THORETTE.
    B) Colonne de LEVET :
Cette colonne qui a très rapidement progressé étant donné son retard au départ ce matin, stationne à 14h45 dans le triangle SAINTE-SOLANGE – Nationale 151. Des unités retardataires (voitures hippomobiles) traversent la nationale 76 à SAVIGNY à 14h45.
Le mouvement de cette colonne semble devoir se terminer ce soir dans le triangle ci-dessus indiqué, rien à signaler en effet aux AIX-D'ANGILLON.
    C) Colonne de SANCOINS :
14h08 – La colonne partie de SANCOINS et stationnée à l'Est de NERONDES, sur la route et le terrain entre route et voie ferrée. Campement très important – sanitaires – véhicules – tanks – La queue est à cinq kilomètres Sud-Est de NERONDES, tête à l'entrée du village.
17h00 – Une colonne hippomobile à la sortie de NERONDES se dirige vers MORNAY; une autre peu importante vers VILLEQUIERS – Mouvement semblant pour nous anormal jusqu'au Nord de NERONDES. Il semble que le mouvement de cette colonne se termine à NERONDES ce soir.

    Observations :
    Aucun traînard n'a été remarqué. Pas d'artillerie à NERONDES. Un de nos avions a survolé l'entrée d'un Bataillon à DUN-SUR-AURON à 16h00. 

                        Les habitants d'un village observent le passage de la colonne Elster. Notez la diversité des attelages utilisés. (Source : 1999.250.1 - Musée de la Libération de Paris - Musée du Général Leclerc - Musée Jean Moulin)

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14.9.1944, BOURGES
    Observations des colonnes faisant mouvement autour de BOURGES.
   Les allemands sont divisés en trois colonnes et ont dans la journée d'aujourd'hui terminé le mouvement autour de BOURGES.
Colonne Ouest : A été observée à 15h20 – Les Allemands contournaient le village d'ALLOGNY, la troupe en bon ordre était suivie de voitures à chevaux. Le village d'ALLOGNY est pavoisé aux couleurs alliées. La colonne se dirigeait dans la direction de NEUVY-SUR-BARANGEON où elle doit cantonner.
Colonne du Centre : Son mouvement se fait vers LA-CHAPELLE-D'ANGILLON. Rien de particulier à signaler sur cette colonne.
Colonne de l'Est : A 16h20, quatre-cent voitures hippomobiles environ traversent LES-AIX-D'ANGILLON; cette colonne hippomobile est précédée et suivie d'une colonne auto. Tous ces éléments sont en route vers HENRICHEMONT et quelques troupes font halte dans la forêt d'HENRICHEMONT. HENRICHEMONT est pavoisé et la population attend sur le bord de la route.
Rien n'a été observé sur les routes LA-GUERCHE – NERONDES – MORNAY – BENGY et CROSSES/AVORD.
L'ensemble de la colonne comprise entre BRECY et HENRICHEMONT semble comporter : Un millier de voitures auto diverses, cin à six-cent voitures hippomobiles, une centaine de bicyclettes par paquets de quinze, peu de piétons, pas de chars ni de canons.

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15.9.1944, BOURGES
     Observations des colonnes faisant mouvement autour de BOURGES.
    Colonne CHATEAUNEUF : Cette colonne a été observée par de nombreuses missions. Toute la journée au moins un avion était au-dessus des troupes allemandes. Le départ de NEUVY s'est fait normalement et à 10 heures, une longue colonne fut observée sur la nationale 726 se dirigeant vers SALBRIS. Elle est composée de fantassins, de cyclistes au nombre de mille environ, quelques motocyclistes seulement (cinq à six), de très nombreuses voitures hippomobiles, quelques voitures auto (une vingtaine dont quatre ou cinq ambulances). A part deux compagnies marchant au pas cadencé, drapeau en tête, le reste des fantassins marche en désordre et donne l'impression d'être fatigué. Les cyclistes étaient en bon ordre – la même colonne, observée à 16h55, est située à quatre kilomètres de MARCILLY, toujours vaste drapeau à croix gammée, largement déployé et troupes défilant.
    Colonne LEVET : Cette colonne d'une longueur estimée de trente kilomètres est composée de voitures à chevaux, bicyclettes et troupes à pied. A 11h10 elle se dirige vers AUBIGNY et les premiers éléments bifurquent en direction de BRINON-SUR-SAULDRE. A 16h25, cette colonne est en partie en station à la sortie du Château de la NOUE.
    Colonne de SANCOINS : Partie d'HENRICHEMONT, elle a durant toute cette journée du 15 poursuivi sa route en direction d'ARGENT. A 15h25 une partie de cette colonne est arrêtée à la sortie d'AUBIGNY-SUR-NERE sur la route d'ARGENT, les troupes commencent d'ailleurs à bivouaquer, tandis qu'une autre partie dépasse le village d'ARGENT par le Nord sur la route de GIEN.
Remarques générales : Les itinéraires sont respectés et la marche des colonnes donne l'impression de régularité. Peu ou pas de trainards. Un certain malaise règne chez nos pilotes et observateurs à la vue de ces colonnes B..ches défilant drapeau à croix gammée et en ordre dans nos villages parfois pavoisés aux couleurs françaises. Il est probable que l'effet moral produit sur la population ne doit pas être très brillant. Seul la crainte de blesser des Américains pouvant être dans les convois et le respect des ordres reçus empêchent nos avions de mitrailler.

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17.9.1944, BOURGES
    Reconnaissances secteur Nevers-Auxerre-Avallon-Saulieu-Chagny-Autun-Nevers
    1) Voies de communications :
    Toutes les routes survolées paraissent en bon état. Les ponts sur la Loire sont presque tous coupés. A Nevers, Coulanges, Corbigny, Auxerre, Saincaize, ponts routiers intacts. A Imphy le pont de secours en bois ne comporte que la moitié de la chaussée sur la longueur d'une travée. A Fourchambault pont en bois de secours carrossable. A Decize, pont sauté. A La Charité, les ponts sur les deux bras de la Loire ont sauté (trois arches et deux arches). 

    - Réseau ferré :
Une des deux voies déposée à Cravant (Auxerre). Viaducs sautés à Nevers, Coulanges, Auxerre et Saincaize. 

    - Canaux :
Canal détérioré à Coulanges. Canal vide d'eau de Dornecy à Corbigny.

    2) Aérodromes :
    Cravant : une piste inachevée (six-cent mètres faits sur mille deux-cent roulés). Avec hangars souterrains au Nord-Ouest du village.
Auxerre : Terrain (mille mètres x huit-cent mètres) gazonné intact ainsi que hangars et casernements. Ni essence, ni huile.
Beaune : Terrain labouré, inutilisable.
    3) Positions amies, mouvements ennemis :
    Villes aux mains des F.F.I. (pavoisées, marquées d'étoiles blanches, etc.) Clamecy, Auxerre, Avallon, Corbigny, Saulieu, Beaune, Autun, Luzy. Une demi compagnie de soldats français rangée sur la place de Tannay. Aucune présence, aucun mouvement ennemis observés dans ce secteur.