Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

La Flugzeugführerschule (C) 15 - Une unité de formation de la Luftwaffe à Bourges et Avord

La Flugzeugführerschule (C) 15 (littéralement école de pilote d’avion) a été créée le 1 janvier 1940 à Lüben en Silésie sous le commandement du Major Richard Kupschus et peu de détails sont parvenus jusqu’à nous concernant les tout débuts de l’unité ; la base aérienne est à l'époque "une ville dans la ville" avec des centaines d'employés civils. L’installation n’est pas simple et l’école travaille dans des conditions d’hébergement et de travail des plus rudimentaires. Fin juillet 1940, après seulement quelques mois à sa tête, le Major Kupschus rejoint le Luftlandegeschwader 1 nouvellement créé afin d’y prendre le commandement du III. Gruppe.

                     Personnel de la Flugzeugführerschule au complet, Lüben 1940 (Auteur via Heidi Treder)

Suite à ce départ le Dr. Ing. Ernst Bormann, auparavant Kommandeur du III. Gruppe du Lehrgeschwader 1, est nommé le 19 juillet 1940 à la tête de l’école. Un poste qu’il va occuper jusqu’au 26 février 1941, date à laquelle il ira prendre le commandement du Kampfgeschwader 76.

Sous son commandement, l’école est transférée en Bavière le 28 septembre 1940, sur l’aérodrome de Gablingen près d'Augsbourg et malgré les premiers mois "chaotiques" de son existence l'école a tout de même formé 113 élèves-pilotes. 

Toujours peu de détails sur les débuts de la Flugzeugführerschule en Bavière mais l’arrivée d’un nouveau commandant le 28 février 1941 est l’occasion d’en savoir un peu plus. Quelques mois après sa prise de commandement, le Major Alfred Traeger dresse rétrospectivement un bilan de la situation. 

Dans une note datée du 27 octobre 1941 il mentionne qu'en raison d’une insuffisance d’effectif au sein du personnel général mais aussi du fait d’une dotation partielle tant en avions qu’en instructeurs, les résultats de la formation ont d’abord été extrêmement faibles. Après une sévère réorganisation et quelques changements dans son fonctionnement, les résultats ont progressé. Si 147 élèves-pilotes seulement ont été formés entre le 1 février 1940 et le 28 février 1941, 218 élèves-pilotes l'ont été entre le 1 mars 1941 et le 1 septembre 1941.

Malgré tout, les problèmes de formation perdurent et entre manque de place, ponctions régulières d’avions et d’équipages pour les besoins du front mais surtout une insuffisance chronique en carburant, l’école est en passe d’être dissoute à l’été 1942. L’ordre n’est finalement pas appliqué et pour palier au plus pressé on affecte à l’école d’autres plate-formes de travail (aérodromes) comme solution aux problèmes de place et d’espace. L’idée d’un déménagement est tout de même dans les esprits.

Ce dernier se précise lorsque le 29 octobre 1942, l’Oberst Traeger (promu le 1 septembre 1942) accompagné du Hauptmann Allmendinger, responsable de la formation, sont convoqués à Paris pour un entretien au quartier général de la Luftflotte 3 qui occupe le palais du Luxembourg. Cette entrevue se tient au service d’attribution des aérodromes et c’est très certainement ce jour-là que Bourges est désigné comme prochain lieu d’affectation de l’école.

L’ordre de transfert tombe le 18 décembre 1942 mais à cette période, et en raison des fêtes de fin d’année et des nombreux congés, le Kommandeur donne l’ordre de n’envoyer à Bourges le détachement d’avant-garde qu’après Noël. Celui-ci est sur place le 28 décembre 1942 afin de préparer les casernements et d'établir les liaisons entre les différents services. Il est composé de 80 hommes sous les ordres de l'Oberleutnant Gringmuth, et l’Oberleutnant Rupprecht les accompagne afin de préparer simultanément l’installation des salles de cours.

En ce début janvier 1943 à Gablingen, en pleine préparation du transfert, les activités des différents services sont limitées car une grande partie du temps est consacrée au conditionnement des équipements et des dossiers. Les premiers wagons du convoi ferroviaire arrivent vers 10h00 le 13 janvier et leur chargement débute immédiatement. Le reliquat de wagons est livré l’après-midi vers 17h00 et le chargement se poursuit à la lumière des projecteurs jusqu’à 20h00. Le reste du matériel est chargé le lendemain matin et le train de transport s’ébranle en direction de Bourges à 14h45. 

Le voyage s’effectue via Augsbourg, Ulm, Stuttgart, Haguenau, Lunéville, Toul et Dijon. Ce même jour à 23h00, près de Stuttgart, les hommes reçoivent de la Croix Rouge allemande une boisson chaude, pour l’unique et seule fois du trajet.

            Junkers Ju-52/3m, Werk-Nr. 3219 de la FFS (C) 15; notez l'insigne de l'école et le nombre 19 peints sur le nez de l'appareil. Cet avion sera entièrement détruit lors du bombardement du 10 avril 1944. (Courtesy Hikoki Publications - Luftwaffe Fledglings, page 81)
 
         Le 16 janvier à 14h00, le train pénètre sur l’aérodrome de Bourges par son embranchement particulier. Le déchargement, l’aménagement des bureaux et des casernements va durer jusqu’au 19 janvier suivant. Durant cette période, une formation B2 au vol de nuit est mise en place à la demande du commandement et les hommes destinés à rejoindre cette Staffel (escadrille) sont prélevé au sein des différentes compagnies. Pour les commander, l’Oberleutnant Katz est désigné comme Staffelführer. Les activités de formations quant à elles reprennent le 20 janvier.

Le 4 février, tournée d’inspection qui passe par Bourges du Generalleutnant Scheurlen, Hohe Kommandeur des Flugzeuführerschulen C. Il arrive par avion vers 12h00 et après s’être entretenu avec le Kommandeur et le Hauptmann Allmendinger, responsable de la formation, il se rend en voiture à Clermont-Ferrand.

Le 5 février 1943, l’Oberst Traeger fait ses adieux à l’école devant l’ensemble du personnel rassemblé en bout de piste pour l’appel de 8 heures. Cet officier qui commandait l’école depuis le 6 mars 1941 est muté au XII. Fliegerkorps. Il sera affecté dix jours plus tard au Nachtjagdraumführer 10 installé à Parchim (entre Hambourg et Berlin), un centre de commandement régional de la Nachtjagd, la chasse de nuit. Le lendemain, visite de l’école par l’Oberst im Generalstab Werner Kreipe, Chef de la formation. 

Le 10 février l’école accueille son nouveau Kommandeur, le Major Dr. Hermann Grote qui arrive du Secrétariat d’Etat à l’Aviation et qui prend ses fonctions le jour suivant lors de l’appel.

Dans le but de tester et d’améliorer la défense terrestre de l’école, un exercice d'entrainement se déroule entre 9 et 11 heures le 25 février.

Le 1er mars, la base d’Avord est affectée à l’école comme plate-forme de travail et on y transfère à cette occasion la formation B2. Celle-ci débute le 3 mars suivant.

 

L'Oberleutnant Erwin Potthoff est affecté comme instructeur (navigant) à l'école le 18 février 1944, en provenance de la 8. Staffel du Kampfgeschwader 4 "General Wever" alors affecté sur le front Est. (vu ici au grade de Leutnant - Col. auteur)

 Le 20 mars, la Verbindungsstaffel 60, une escadrille de liaison, est affectée à l’école et son personnel mis à disposition avec une mission de formation. L’escadrille arrive à Bourges deux jours plus tard en provenance du Bourget ; elle est dissoute le 5 avril suivant et ses personnels sont transférés dans les différents services de l’école (formation, technique et administratif). Il est toutefois précisé qu’en cas de réactivation de l’unité, son ancien personnel y serait réaffecté (voir Annexe).

Le 16 avril, lors d’un vol de nuit réalisé dans la périphérie de la base d’Avord, des élèves et leurs instructeurs sont attaqués par un chasseur ennemi en maraude. L’un des avions allemand est détruit en vol et ses deux occupants tués, l’autre se pose au sol en catastrophe alors que le chasseur a commencé à tirer. A bord de ce dernier seul l’instructeur est blessé au dos par des éclats.

Cette action est le fait de l’équipage d’un Mosquito appartenant au No.605 Squadron (RAF).

Cette attaque "victorieuse" anglaise est la première d’une longue série car Bourges, Avord et la région sont régulièrement survolés de jour mais surtout de nuit par des appareils de la RAF qui viennent rôder autour des aérodromes à la recherche d’une cible potentielle. Contrairement à son lieu d’affectation précédent, l’école n’est plus à l’abri de ce type d'incursions et se retrouve de fait en première ligne - ce qui va tout au long de son séjour en Berry perturber encore un peu plus la formation de ses jeunes pilotes et équipages.

Vers la fin de la guerre, la Luftwaffe à l’Ouest est presque obsédée par l'audace de ces Mosquito. Deux nouvelles expressions naissent : "Moskitopanik" et "Ritterkreuzhöhe". La première résume l’inquiétude permanente que suscite la présence de Mosquito rôdant dans les parages, attendant de frapper les avions au-dessus leurs propres balisages de piste et la seconde (littéralement, altitude Croix de Chevaliers) décrit la seule méthode raisonnablement sûre d’échapper à une mort certaine lors d’un décollage. C’est-à-dire de voler à zéro pied en survolant la campagne environnante jusqu'à mettre le plus de distance entre soi et les toujours omniprésents Mosquito.

Le 17 avril à 16h00, les Gefreiter Günter Detlaff et Siegfried Hengst, les deux victimes de l’attaque du Mosquito, sont inhumés avec les honneurs dans le carré militaire des tombés au champ d’honneur implanté dans l’enceinte du cimetière Saint-Lazare de Bourges.

 
Le No.605 Squadron est l'une des nombreuses unités de chasseurs de nuit de la R.A.F. dotées de bimoteurs De Havilland Mosquito qui viendront roder autour des aérodromes de Bourges et d'Avord (Col. auteur)

Le 20 avril 1943, lors de l’appel et à l’occasion de l’anniversaire du Führer, des décorations sont attribuées à 13 membres du personnel. Le lendemain le Generalleutnant Scheurlen, Kommandeur des Flugzeugführerschulen C, rend visite à l’école. Il est rejoint le 22 avril par le General der Flieger Kühl, chef de la formation, qui arrive de Châteauroux. Les deux officiers quittent Bourges pour Orléans le lendemain.

Les 13 et 14 mai et suite à une décision du 28 avril précédent, chaque école de pilotage se voit attribuer un contingent de 150 hommes mobilisés lors de la première guerre mondiale (classes 1894 à 1900). Ces soldats sont affectés afin de remplacer le personnel militaire de première ligne encore présent au sein des écoles. Ils arrivent d’Ottingen et sont immédiatement envoyés à l'instruction militaire. Le 30 mai, ils prêtent serment de fidélité au Führer et le lendemain ils sont répartis dans les services.

Le 10 juin, le contingent des mobilisés de la première guerre est transféré vers la Luftgau Holland, la région aérienne Hollande.

Le 28 juin, la compagnie d’assaut est dissoute. Parmi son effectif, 186 hommes sont mutés au Reserve-Grenadier-Regiment 239 de Montauban, 44 hommes au Reserve-Artillerie-Abteilung (mot.) 70 de Nancy et le reste des hommes, principalement du personnel technique, versé à l’école de pilotage de Bourges.

Le 13 juillet, et ce durant plusieurs jours, une section de la compagnie technique est utilisée pour combattre les groupes de résistants entre Nevers et Bourges. Cette opération résulte de tirs essuyés par le train de permissionnaires Bordeaux – Mulhouse (action menée par le groupe de Roland Champenier durant la nuit du 12 juillet). Au retour de leur premier jour d’engagement, la section apporte son soutien aux pompiers de Bourges qui interviennent en ville sur l’incendie d’un garage (l’Auto Progrès rue Moyenne). Plusieurs véhicules peuvent ainsi être sauvés.

Le 14 juillet 1943 le Général Unruh représentant spécial du Führer est à Bourges. Il est à la tête d’une commission spéciale chargée entre autres de ratisser les plus bas échelons de l’armée à la recherche de nouvelles recrues pour le service actif. 

A cet effet il teste une douzaine d’hommes de l’école, des conducteurs, des secrétaires, etc. issus des classes 1906 et suivantes (devant le peu de résultats obtenus depuis sa création en novembre 1942, la commission "Unruh" sera dissoute à la fin de l’été 1943).

Suite à l’attaque du train de nuit du 12 juillet, 500 soldats de l’école sont mis à disposition de la Feldkommandantur de Bourges. Un groupe de 125 soldats est déployé pour verrouiller Marseilles-lès-Aubigny et un autre, disposant d’un même effectif, est déployé pour verrouiller Beffes tandis que 250 hommes ratissent les secteurs boisés au sud-ouest de ces localités.

Entre le 22 et le 24 juillet, le Generalleutnant Scheurlen et l’Oberst Munske visitent l’école.

Fin août, tous les Heinkel He-111 B sont livrés et 10 Heinkel He-177 destinés à l’instruction des équipages ont été affectés à l’école. Le 3 septembre arrivent 12 équipages (pilotes, opérateurs radio, observateurs, mécaniciens et 1 ou 2 mitrailleurs) en provenance des écoles de vols sans visibilité, des écoles d’observateurs et des écoles de mitrailleurs. 

Au 9 septembre on compte 14 Heinkel He-177 au sein de l’école mais la formation sur ce type d’appareil est retardée car ces avions fatigués doivent faire l’objet d’une remise en état approfondie.

Le 26 septembre, l’Oberst Munske est de retour pour une inspection de l’école, seul cette fois, le Generalleutant Scheurlen étant en permission.

Le 2 octobre l’instruction des équipages sur Heinkel He-177 peut enfin commencer, Avord est désigné à cette fin comme plate-forme de travail.

Le 9 octobre, lors d’un vol d’instruction, le Heinkel He-111 (Werk-Nr. 2675) s’écrase sur l’aérodrome de Saint-Dizier en Haute-Marne alors que l’Oberleutnant Karl Brandau, instructeur, tente un atterrissage sur un moteur. Le Hauptmann Heinrich Wulff, élève pilote, est tué, l’Oberleutnant Brandau est gravement blessé et les trois autres membres de l’équipage s’en sortent avec des blessures légères. (Issu de l’armée de terre, le Hauptmann Wulff était entré dans la Luftwaffe en janvier précédent et était arrivé à l’école 3 jours auparavant. Quant à l’Oberleutnant Brandau, il passera plus de 8 mois dans divers hôpitaux.)

Le 26 octobre, c’est le Heinkel He-177 (Werk-Nr.0019) qui s’écrase près d’Avord peu après son décollage de l’aérodrome. Quatre membres d’équipage sont tués sur le coup, le mitrailleur arrière grièvement blessé décèdera de ses blessures le lendemain au Luftwaffen-Lazarett d’Orléans où il avait été transporté.

Le 25 novembre en début de soirée, lors d’une alerte aérienne, deux motocyclettes entrent en collision route de Saint-Amand. L’accident fait un mort et un blessé grave.

Le 12 décembre, le Heinkel He-111 (Werk-Nr.2642) est abattu par un chasseur anglais près de Mehun-sur-Yèvre. L’équipage au complet trouve la mort lors de l’attaque.

Cette action est le fait de l’équipage d’un Mosquito appartenant au No.418 Squadron (RCAF).

Le 15 décembre est annoncée la fin de la formation à Avord des premiers équipages sur Heinkel He-177, une bonne nouvelle après les pertes des semaines précédentes.

Les permissions de Noël s’échelonnent entre le 17 et le 19 décembre. Cette période de fête est toutefois assombrie par le suicide d’un Unteroffizier de l’école qui dans le même temps, entraine dans la mort une jeune française employée comme serveuse au Kasino (note : le mess) de la base aérienne de Bourges.

Le mois de janvier 1944 va s’avérer particulièrement coûteux en vies humaines, pour l’école mais aussi pour quelques unités basées dans la région.

Le 3 janvier, 7 morts dans l’accident du Heinkel He-111 (Werk-Nr. 1553) qui s’écrase au sol au sud-ouest d’Aubigny lors d’un vol d’entrainement à basse altitude. Les raisons de cette défaillance ne sont pas connues.

Le 27 janvier, pas moins de 9 morts durant l’attaque de chasseurs anglais en maraude sur le secteur. Dans l’épave du Heinkel He-111 (Werk-Nr. 1592) tombé au sud-ouest de l’aérodrome on retire trois corps et dans les restes du Heinkel He-177 (Werk-Nr. 5245) qui s’est écrasé près de Villabon, on retire six corps.

 
Le Heinkel He 177 A1 Werk-Nr.5165, marques GI+BZ vu sur le terrain de Bourges. On aperçoit en arrière plan les immeubles de la cité de l'aéroport ainsi que l'usine S.N.C.A.C. (col. particulière)
 
Deux autres unités sont également touchées : on retire cinq corps de l’épave d’un Focke-Wulf Fw-200 appartenant à la 9./KG 40 (Werk-Nr. inconnu) basée à Avord et qui s’est écrasé près de Vorly et trois corps sont retirés des restes du Junkers W34 (Werk-Nr. 0213) de la Flugzeugführerschule B7 tombé près de Sancoins, un avion qui venait de Clermont-Ferrand, aérodrome utilisé par cette école de pilotage pour l’entrainement de ses pilotes. Tous sont inhumés avec les honneurs militaires au cimetière Saint-Lazare de Bourges le 31 janvier.

Cette action est le fait d’équipages de Mosquito appartenant au No.418 Squadron (RCAF).

Le 4 février, visite du Kommandeur de la 2. Flieger-Schule-Division, l’Oberst Rudolf Trautvetter qui après une entrevue portant sur la formation et autres sujets relatifs à l’école visite les casernements et assiste au service – plus particulièrement la formation sur Heinkel He-177 à Avord. Vers 23h00, quelques membres de l’école apportent leur aide aux pompiers de Bourges venus éteindre un début d’incendie dans un immeuble de l’usine d’aviation Siebel. Un sabotage est très vite soupçonné.

Le 5 février, le Cher subit sa première attaque d’importance, un bombardement d’ampleur sur l’aérodrome d’Avord. Pour ce qui concerne l’école, trois soldats sont blessés et l’on ne relève aucun dommage sur les avions utilisés pour la formation sur Heinkel He-177. Les casernements par contre, sont détruits et inutilisables et le personnel de cette formation devra être relogé à la caserne Condé de Bourges.

Bombardement USAAF (B17 Flying Fortresses, 1st Bomb Division – 8th Air Force).

Le 13 février, le Heinkel He-111 (Werk-Nr. 1691) s’écrase pour une raison inconnue au sud-est de Bourges, on retire de l’épave cinq corps qui seront inhumés le lendemain au cimetière Saint-Lazare. Du fait de la présence quasi quotidienne de chasseurs ennemis sur la région, on soupçonne un moment une attaque de ce type.

Les perturbations dans la formation des équipages sur Heinkel He-177 conduisent le 16 février 1943 au transfert de celle-ci vers l’école de pilotage B 31 de Brandis en Allemagne. Le départ de ces personnels navigants et non-navigants est opéré ce jour.

Le 1er mars c’est au tour des élèves de la formation sans visibilité de quitter Bourges pour Wertheim en Allemagne, ceci toujours du fait des retards provoqués par les pénétrations régulières d’avions ennemis.

Le 9 mars, il est demandé à l’école elle-même de préparer un détachement d’avant-garde afin de prévoir l’installation de l’école à Steinamanger en Hongrie. 

Le 11 mars, le Kommandeur de l’école, le Major Dr. Grote s’envole avec le Hauptmann Becker, le chef du détachement précurseur, pour Steinamanger puis Budapest pour des entretiens portant sur l’installation et l’approvisionnement du personnel de l’école à Steinamanger. Ce même jour le détachement d’avant-garde, sous les ordres de l’Oberleutnant Frick, composé de 14 sous-officiers et de 30 hommes de troupe, est transféré par chemin de fer vers son futur lieu d’affectation.

Le 21 mars, lors d’un vol d’entrainement, le Heinkel He-111 (Werk-Nr. 1993) est abattu par des chasseurs ennemis près de Saint-Genis au nord de Bordeaux. Deux membres de l’équipage sont tués sur le coup, les trois autres grièvement blessés sont conduits vers l’hôpital de Saintes. Le 25 mars, les deux victimes sont inhumées dans le carré militaire du cimetière de Cognac.

Cette action est le fait d'appareils P51 Mustangs appartenant au 4th Fighter Group (USAAF).

Le 1er avril, c’est le Generalfeldmarschall Sperrle, chef de la Luftflotte 3, qui vient rendre visite à l‘école. Il arrive en voiture de Tours et après une entrevue avec le Major Dr. Grote et son chef d’état-major le Major Post, il procède à une remise de croix de guerre. Les discussions portent sur la défense de la base aérienne et les détails de sa mise en œuvre. Ces procédures sont expliquées de manière claire et précise à l’aide d’un plan-maquette de la base aérienne. 

Sperrle semble avoir grandement apprécié la maquette car il ordonne au Befehlshaber in Luftgau et au Flughafenbereichskommandant de venir à Bourges pour voir cette maquette et de prendre toutes les dispositions afin que les autres bases aériennes réalisent également les leurs.

Le 7 avril, à la demande de la Feldkommandantur, un détachement de plusieurs officiers et de 130 soldats associés à des membres de la Gestapo procèdent à une opération dans les environs de Beffes.

Le 10 avril, première attaque d’envergure sur Bourges. L’alerte est déclenchée peu avant 10h00 et une vingtaine de minutes plus tard des bombardiers ennemis déversent leurs cargaisons de bombes sur l’aérodrome et l’usine d’aviation proche. Alors que les appareils s’éloignent, une dizaine de chasseurs réalisent à basse altitude des passes de mitraillage sur les avions en stationnement. On déplore six tués à l’école, les casernements, les services de formation sont au trois quart détruits et de nombreux avions sont fortement endommagés ou totalement détruits. 

Focke-Wulf 58 "Weihe" (Busard) de l'école après le bombardement du 10 avril 1944. En arrière plan un bâtiment de l'usine aéronautique S.N.C.A.C. ou Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Centre. (Col. particulière)

Les travaux de déblaiement et de remise en état des piste débutent immédiatement avec le personnel de l’école, les ouvriers de la direction des travaux et les parachutistes d’un régiment actuellement à l’entrainement dans les environs (régiment appartenant à la 5. Fallschirmjäger-Division). Le lendemain des civils sont réquisitionnés pour un complément de main d’œuvre.

Bombardement USAAF (B24 Liberators, 2nd Air Division – 8th Air Force).

Le 13 avril, les victimes du bombardement sont inhumées au cimetière Saint-Lazare.

Le 28 avril, c’est de nouveau l’aérodrome d’Avord qui est la cible des bombardiers américains. Deux Heinkel He-177 de l’école sont touchés, l’un est complètement détruit, l’autre légèrement endommagé. Lors de l’attaque, un groupe de chasseurs a mitraillé à basse altitude l’aérodrome de Bourges détruisant deux Heinkel He-111, l’un devant entrer en révision et l’autre dont on venait de procéder à l’échange du moteur droit.

Bombardement USAAF (B17 Flying Fortresses, 1st Bomb Division – 8th Air Force).

Le transfert de l’école vers la Hongrie se précise le 29 avril par la confirmation de la mise à disposition d’un train pour le 5 mai suivant à 8h00.

Le 30 avril et sous l’autorité de la Gestapo, des personnels de l’école ainsi que des parachutistes actuellement à l’entrainement dans la région, mènent une action contre des bandes de résistants dans le secteur de Beffes. L’école fournit 6 officiers, 230 sous-officiers et soldats, 1 voiture, 1 moto, 2 camions ainsi que 3 canons.

Le 7 mai, peu après minuit, l’aérodrome de Bourges est survolé par un avion solitaire qui largue deux bombes sur les pistes de roulement et qui provoque quelques dégâts par des tirs de ses armes de bord.

Cette action est le fait de l’équipage d’un Mosquito appartenant au No.487 Squadron (RNZAF).

L’acheminement du train prévu pour le transfert ayant du retard, on procède à l’évacuation vers l’Allemagne de groupes d’élèves afin d’éviter un plus grand retard dans la formation. Ces départs s’échelonnent entre les 6 et 9 mai.

Le 9 mai, une nouvelle fois, des personnels de l’école accompagnent des membres de la Gestapo pour une opération sur le terrain (village de Jussy-le-Chaudrier). Durant cette opération trois résistants sont tués et l’un d’eux grièvement blessé.

Le 11 mai, c’est encore un Mosquito qui vient survoler l’aérodrome et qui lâche deux bombes sur les pistes de roulement. Cette attaque n’occasionne que peu de dégâts car l’avion a été très vite la cible des défenses de Flak du terrain.

Cette action est le fait de l’équipage d’un Mosquito appartenant au No.464 Squadron (RAAF).

Ce 14 mai, le Kommandeur et son état-major quittent Bourges pour Steinamanger à bord d’un Junkers Ju-52. Les cours vont commencer là dès le lendemain.

Le détachement d’arrière-garde de l’école participe à une nouvelle opération de lutte contre les résistants, suite à une demande de la Feldkommandantur de Bourges.

Le 23 mai, l’aérodrome de Bourges est attaqué pour la seconde fois par des bombardiers ennemis. Cette fois, on ne compte aucune victime parmi le personnel; les casernements et les marchandises en attente de départ ne sont pas impactés quant aux pertes matérielles, 1 Focke-Wulf 58 est endommagé et 3 Siebel Si-204 détruits.

Bombardement USAAF (B24 Liberators, 2nd Air Division – 8th Air Force)..

Bombardement du 23 mai 1944. Photographie prise depuis le bombardier B-24J Liberator serial 42-109812 appartenant au 458th Bomb Group. Equipage du Lt McCullough. (Source American Air Museum in Britain, object number UPL 33844)

 Le 25 mai, le convoi ferroviaire tant attendu est enfin acheminé et l’on procède immédiatement à son chargement. Ce dernier est achevé le lendemain 26 en fin de journée et le convoi s’ébranle de la gare de Bourges vers 23h00. 

Il atteindra sa destination le 1er juin suivant.

ANNEXE :

Verbindungsstaffel 60

Cette escadrille de liaison créée en avril 1941 à Allenstein pour opérer dans le secteur nord du front Russe va vivre au gré de ses dissolutions et reconstitutions. 

Elle est dissoute une première fois en novembre 1941 puis reconstituée en mai 1942 à Straubing pour opérer cette fois dans le secteur central du front Russe. En juillet de cette même année, l’escadrille est transférée en France, au Bourget puis fin mars 1943 à Bourges où elle est pour la deuxième fois dissoute, ses personnels se voyant affectés à l’école de pilotage présente dans cette ville.

En février 1944, l’école reçoit l’ordre de la Luftflotte 3 de procéder à la mise en place pratique de cette unité et le 1 mai suivant, l’escadrille passe sous les ordres de la Luftflotte 3 et quitte Bourges. 

En juillet 1944, elle est à Oslo en Norvège pour des opérations dans ce secteur et, pour la troisième et dernière fois, elle est dissoute fin décembre 1944.

Les Verbindungsstaffeln étaient rattachées aux Nahkampfgruppen (groupes d’appui aérien rapproché) et mises à disposition du Nakafü ou Nahkampfführer (chef de l'appui aérien rapproché). Les Verbindungsstaffel étaient dotées d'avions de communication utilisés pour assurer les liaisons entre le quartier général de l'armée et les unités de l'armée de l'air qui fournissaient un appui aérien direct ou rapproché aux troupes au sol. Un appareil du Verbindungsstaffeln, généralement un Fieseler Fi-156 Storch, était réservé au Nakafü. La Verbindungsstaffel était généralement dotée d’Arado Ar-66 et donc de Fieseler Fi-156. 

Source article :  
Archives de l'auteur. Retranscription et traduction complète du "Kriegstagebuch Nr.1 - Flugzeugführerschule (B) 15 - Später C 15" rédigé en Sütterlin (BA-MA Freiburg)
[Extraits concernant Bourges/Avord.]