Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

10-11 février 1944 – Bussy, DZ "Crevette", opération "Serbie"

Durant la seconde guerre mondiale des opérations aériennes de ramassage (ou "Pick-Up"), effectuées par des avions de type Lysander ont permis le transport aller-retour d’Angleterre en France de chefs de mouvements de Résistance, d’agents de réseaux de renseignements, du courrier et d’aviateurs alliés. Une douzaine d’opérations ont eu lieu dans le Cher, organisées par différents réseaux sur trois terrains situés en partie sud du département (ex Zone Libre). 

L’une d’entre-elles s’est terminée tragiquement avec la mort du pilote en charge de cette opération "Pick-Up".

Westland Lysander Mark IIIA (SD) en vol

Cette nuit du 10 au 11 février 1944 l’opération "Serbie", qui s’avèrera être la dernière de Félix Svagrovsky (1) le responsable du comité de réception, a pour cadre le terrain "Crevette" situé près de La Chaussée sur la commune de Bussy (Cher). Elle implique deux Lysander, l’un piloté par le Flying Officer (F/O) John W. McDonald, un australien et le deuxième par le F/O Douglas S. "Dinger" Bell.
 
Les deux appareils ont décollé du terrain anglais de Tempsford, à 21h35 pour le premier (F/O Bell) et 21h40 pour le deuxième (F/O McDonald). Les deux appareils doivent se retrouver au-dessus de Vierzon à 23h15 avant de continuer vers l’objectif. Le F/O Bell y arrive le premier et doit attendre environ quatre minute que le F/O McDonald ne le rejoignent puis ils poursuivent vers le terrain nom de code "Crevette" à Bussy où, le F/O McDonald qui en a reçu l’ordre, se présente le premier pour l’atterrissage. 

 
No.161 Squadron - Tempsford : de gauche à droite, debouts : Flying Officer (F/O) "Brad" Bradbury, RAF; F/O Johnnie Attlee, RAF; F/O John Walter McDonald, RAAF; Flight Sergeant (Flt/Sgt) John Buxton (Jack) Stinson, RAAF. Accroupis : Pilot Officer (P/O) Murray Alfred Line, RAAF; Flt/Sgt William Bernard (Bill) Kaus, RAAF.

La suite nous est rapportée par le F/O Bell à travers son rapport de mission. Le balisage repéré, le F/O McDonald signale qu'il va atterrir. Cependant lors de ses deux premières tentatives il dépasse le terrain et lors de son troisième essai il semble toucher le sol et le parcourir rapidement. Le F/O Bell voit peu après l’avion se retourner et prendre feu immédiatement. A cet instant, toutes les lumières s’éteignent. 

Après quelques minutes le F/O Bell – qui transporte deux agents - décide de ne plus attendre car tourner au-dessus de la zone devient dangereux et il prend la décision de rebrousser chemin et de rentrer à la base qu'il atteint sans encombres à 2h35.

Au sol, l’équipe de réception s’est précipitée vers l’avion en flammes mais l'on constate que l'on ne peut déjà plus rien pour le pilote. Les deux passagers qui accompagnaient ce dernier sont extirpés de l’épave, l’un d’eux gravement brûlé puis tout le monde se disperse car avec l’incendie les troupes d’occupation ne vont pas tarder à investir les lieux. Les passagers vont être dispersés, le moins atteint – Willy Josset, un Belge – va être caché chez le maire de Levet alors que son compagnon plus sérieusement brûlé – le lieutenant français Jean Lacroix – va être transporté à Bourges dans la clinique du docteur Pierre Malgras. Il va y être soigné, caché dans une chambre dont on a indiqué à tous qu’il s’agissait d’une sœur cloitrée malade. Lacroix dont l'état permet le transport et Josset rejoindront l’Angleterre début mars dans le cadre d’une opération aérienne clandestine.

La mort du F/O McDonald est due à une malheureuse maladresse. Le fermier - M. Catteloin - à qui appartenait le champ utilisé pour cette opération n’avait la jouissance que de la moitié du terrain affecté à l’atterrissage des deux avions et le personnel de réception au sol n’avait pu se rendre compte que l'autre fermier, non au fait des opérations aériennes, avait labouré une partie du terrain qui lui appartenait. En effet, une ordonnance allemande exigeait que les terrains susceptibles d’accueillir des opérations "Pick-Up" soient labourés afin d’en interdire l’utilisation (note : la norme imposée pour la profondeur du sillon était de 15cm). L’avion du F/O McDonald après avoir roulé au sol est "tombé" sur ce sol labouré et meuble ce qui a provoqué son retournement. Un moteur chaud et le carburant provoquant l'incendie.

Le Flying Officer John Walter McDonald était un ancien du No.161 Squadron, auparavant pilote au sein du Flight volant sur avions de type Hudson. Il avait rejoint le Flight Lysander fin janvier 1944, avec deux autres pilotes, les F/Lt. Eric J. Milsted et F/O Douglas S. Bell qui l'accompagnait ce soir là.

Né le 29 mars 1917 à Mareeba dans le Queensland, en Australie il était dans le civil directeur de mine à Wau (Territoire de Nouvelle Guinée) avant de rejoindre la Royal Australian Air Force à Brisbane le 14 septembre 1941. Alors qu'il était en formation, avec le grade de Leading Aircraftman , il s’était marié le 17 janvier 1942 avec Miss Daphne Hazel Beck à la cathédrale St.John de Brisbane. Ils n'avaient pas d’enfants. Au sein de l’armée de l’air il avait été promu Pilote Officer le 25 septembre 1942 puis Flying Officer le 25 mars 1943.

Tempsford, Bedfordshire - Le Flying Officer McCairns (au milieu) et son équipe au sol devant son Westland Lysander Mark IIIA (SD), V9822 code "MA-E". Notez le dessin de "Popeye" sous le cockpit, autour duquel son dessinées 11 étoiles indiquant le nombre de missions clandestines réussies par McCairns au moment de la photographie. C'est à bord de cet avion que péri le Flying Officer McDonald.

(1) Félix Svagrovsky dit "César" (entre-autres pseudos). Chef du réseau d’opérations aériennes "Amarante". Arrive en France occupée par voie aérienne le 13 février 1943. Il organise entre avril 1943 et février 1944 plusieurs opérations clandestines dans les départements du Cher, de l’Indre et de l’Indre-et-Loire, Début juin 1944 il est dans le Cher puis se rend dans la région lyonnaise où il est arrêté le 18 juin 1944 par la Gestapo. Il est déporté au camp de Neuengamme en Allemagne où il meurt le 1er avril 1945. Rémy dira de lui : "César est l’un des hommes le plus courageux qu’il m’ait été donné de rencontrer".

Réception sol - Disposition lors d'une opération "Pick-Up".

Sources : "La résistance dans le Cher 1940-1944" (collectif), Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges et du Cher). "Operational Record Book No.161 Squadron" – February 1944. "Nous atterrissions de nuit", Hugh Verity. Archives Départementales du Cher. "Armement Clandestin - SOE 1941-1944 - France", Pierre Lorain. Australian War Memorial.