Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Les Berge-Bataillone ou Unités de récupération de la Luftwaffe


Les raids massifs alliés sur l’Allemagne et l’Europe occupée ont occasionné un énorme problème logistique pour la Luftwaffe ; comment enlever et réutiliser les tonnes de débris d’avions éparpillés dans la campagne Européenne, quand on sait qu’un bombardier lourd fournissait approximativement 16 tonnes de matériaux potentiellement utiles. Lorsque la guerre aérienne est devenue de plus en plus violente et que d’avantage d’avions ont été abattus au-dessus de l’Europe, il est devenu évident que des unités spéciales de récupération étaient nécessaires.

Ces unités, appelées Berge-Bataillone (Bataillons de récupération), étaient sous le contrôle opérationnel de la Luftwaffe. Leur mission était d’investiguer chaque site de crash, d’évaluer ce qui pouvait être récupéré et de convoyer l’aéronef (ou ses restes) vers la destination appropriée. La majorité des avions qui s’écrasaient étaient complètement détruits et uniquement utilisable comme ferraille. La récupération de cette ferraille prenait beaucoup de temps, demandant hommes, véhicules et équipements. Etant donné que le carburant était strictement rationné, l’épave était habituellement transportée par camions vers la gare de chemin de fer la plus proche où elle était chargée sur des wagons afin d’être envoyée vers le plus proche parc à ferraille. Pour transporter l’épave d’un bombardier lourd, trois wagons au moins était habituellement nécessaires. Suivant la situation géographique du crash et du personnel disponible, le nettoyage, le transport vers le triage ferroviaire puis le chargement sur wagons pouvaient prendre jusqu’à trois jours. A mesure que les raids alliés s’intensifiaient en taille et en fréquence, ces Berge-Bataillone étaient extrêmement occupés.

Les Berge-Bataillone étaient organisés en Kompanien (Compagnies) et Bergetrupps (Unités de récupération). Habituellement, une Trupp était désignée pour investiguer le site de crash et récupérer l’avion. Une Trupp était normalement constituée de quinze soldats et commandée par trois  Unteroffiziere (Sergents). Le travail de la Trupp était souvent entravé par le manque de carburant et la pénurie de wagons de chemin de fer. Les Bergetrupps travaillaient dans les plus austères conditions, sans outils adaptés et souvent dans des zones éloignées et d’accès difficile d’Allemagne ou des territoires occupés.

Pour chaque crash site, la Bergetrupps préparait un rapport de récupération en quatre parties, ce dernier étant envoyé à différents commandements de la Luftwaffe.

La plupart des avions étaient jugés comme étant complètements détruits et sans aucune valeur pour un examen poussé, mais cependant, occasionnellement, un avion pouvait s’être écrasé en bon état. Cela pouvait arriver pour une ou plusieurs raisons ; peut-être que le pilote avait décidé de se poser dans le but de sauver un membre de son équipage gravement blessé ou dans l’impossibilité de sauter en parachute. D’autres encore confondaient le territoire allemand avec des pays neutres comme la Suède, l’Espagne ou la Suisse et ne prenaient pas la peine de détruire leur avion. Dans ces cas là, la Luftwaffe demandait une manipulation soignée de l’avion et de son équipement.

Dans les cas où un fuselage n’était pas réparable ou qu’il était difficile de collecter des pièces, moteurs et hélices étaient par exemple soigneusement récupérés. Ces éléments étaient expédiés vers un Beutepark (Dépôt de matériel – à l’exemple du Beutepark der Luftwaffe No.5 de Paris-Nanterre) pour stockage et une possible réutilisation comme pièces détachées pour un avion capturé et en état de vol. Les équipements nouveaux ou particuliers étaient envoyés pour une étude approfondie à Rechlin ou vers le Deutsche Versuchsanshalt für Luftfahrt (DVL) à Berlin-Adlershof. Le DLV examinait soigneusement et testait tout équipement nouveau trouvé sur le site d’accident d’un avion allié. Les ingénieurs allemands démantelaient les chasseurs et les bombardiers pour étudier les techniques de construction, comparant les standards de construction alliés à ceux de l’industrie aéronautique allemande. Les autres matériels, en premier lieu les moteurs, étaient affectés à des collèges techniques à des fins pédagogiques. Les pneumatiques étaient expédiés vers les centres de stockage de l’usine W. Heidik à Neuenhaben. Les parachutes étaient envoyés vers la Textilwerke Henking K.G. à Seifhennersdorf. Le carburant récupéré était stocké dans des dépôts de carburant à Nienburg, Derben, Neuburg et Dülmen. L’industrie aéronautique allemande était aussi alimentée par le matériel capturé et Junkers par exemple utilisa deux trains d’atterrissage principaux assemblés de B-24 pour le prototype de son bombardier expérimental à réacteurs Ju 287 V1.  

La Luftwaffe récupérait toute les pièces d’avions utilisables afin d’alimenter en pièces détachées son programme de reconstruction de chasseurs capturés. Un centre de réparation pour la restauration de chasseurs alliés était implanté à Göittingern et, provenant de tous les territoires occupés par l’Allemagne, toutes les pièces récupérées utilisables issues des sites de crashes de chasseurs y étaient envoyés. De nombreux Mustangs, Thunderbolts et autres avions alliés en état de vol ont été reconstruits et utilisés par la Luftwaffe.

Les planeurs Waco et Horsa étaient des matériels du plus haut intérêt et étaient soigneusement étudiés à la Deutsche Forschungsanstalt fur Segelflugzeuge (Institut allemand de recherches pour le vol à voile) à Darmstadt-Griesenheim. D’autres avions alliés étaient reconstruits à Düsseldorf, Staaken, Wiener-Neustadt et Kastrup. Les moteurs récupérés étaient révisés et stockés au Beutepark d. Lw. 5 de Paris-Nanterre, dépôt à partir duquel on fournissait les moteurs aux unités qui utilisaient des matériels alliés capturés.

Un ordre secret de la Luftwaffe (Ordre Nr. 03743 du 14 juillet 1944) émis par le Luftgau-kommando XI mentionne que les appareils de la Luftwaffe, les B-17s ayant des dommages de moins de 80% ont la priorité absolue pour leur récupération et leur réparation. Les B-17s étaient réparés par du personnel à Rechlin.

La plupart des avions tombés, même ceux ayant des dommages mineurs, étaient habituellement ferraillés aussitôt après que les équipes de récupération aient terminé de délester l’avion de tous ses équipements utiles. Le travail de récupération devait être exécuté avec hâte car un avion intact pouvait rapidement attirer l'attention des chasseurs alliés en train de rôder. Un certain nombre d'avions alliés réparables ont été ainsi détruits par des mitraillages au sol avant de pouvoir être récupérés avec succès.

En plus de la récupération des avions alliés, les Berge-Bataillone avaient également pour tâche de récupérer les avions de la Luftwaffe tombés au sol.

Tiré de : Hans-Heiri Stapfer "Strangers in a Strange Land" - Squadron-Signal

Retranscription d'un document allemand (traduit) distribué aux responsables de Bergetrupp

Luftzeugstab 104                                     O.U. le 18 Mai 1943.
C o n s e i l s
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Pour chef de troupe des unités de récupération d’avions

1. Le chef d'équipe et l'armurier doivent d'abord s'approcher seuls de l’appareil, décharger les armes de bord et retirer les détonateurs.
2. Avant de retirer les armes de bord, personne ne doit se trouver à l'avant de l’appareil. Le terrain doit être sécurisé en conséquence.
3. En ce qui concerne le désamorçage des bombes, il faut faire appel à un spécialiste des bombes auprès du service le plus proche.
4. Avant de commencer à travailler sur l’appareil, toutes les précautions de sécurité doivent être prises pour éviter les accidents, par exemple : L’appareil peut-il être soulevé correctement en raison de possibles fissures du cordage? Personne ne doit aller sous l’appareil avant cette vérification. Les cordes en fil ou en chanvre doivent être vérifiées régulièrement.
5. Il est interdit de fumer et d'utiliser une flamme nue à proximité de l’appareil et des équipements.
6. Lors du retrait du moteur, les raccordements de tuyaux et de flexibles doivent être correctement fermés. (Coupe et torsion interdites !) Après son démontage dans les règles de l’art, l’hélice doit être correctement entreposée et transportée afin d’éviter les dommages.
7. Lors du démontage de la cellule, assurez-vous d’un travail dans les règles de l’art. Tout démontage violent est associé à un sabotage! Tuyaux, conduits et câbles électriques doivent être déconnectés aux points de connexions prévus.
Ne touchez pas au coupe-câbles !
8. Le chef d’équipe est responsable de l’enlèvement correct de l’avion, sans autre dommage.
9. Le chef d'équipe est responsable de l’intégralité de l'avion en sa possession.
10. Lorsque de nouveaux outils, clés et dispositifs sont nécessaires, et si leur fabrication en soi n’est pas possible, des dessins ou des croquis doivent être envoyés au Luftzeugstab pour une fabrication plus rapide. Les suggestions sont les bienvenues.

Signé  
Capitaine et Kommandeur

Débris…
 
Nos grands succès défensifs entrainent une saignée significative pour l'armée de l'air anglo-américaine, dont seule la visite d'un cimetière d'avions donne un bon aperçu. Chaque jour, les locomotives apportent dans les entrepôts de nouveaux wagons dont les chargements de débris sont triés en fonction des éléments et de la nature de leurs composants. Partout où porte le regard, vous apercevez les restes piteux des avions de terreur ennemis dans lesquels a été englouti une main d’œuvre des plus précieuse, et avec eux l'espoir de provoquer un tournant dans la guerre par l'accroissement de la terreur aérienne.
Extrait de la revue Der Adler – 11 avril 1944