Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Beffes 9 juillet 1944

La base de Bordeaux–Mérignac où stationnent les Stab K.G. 40 et II./K.G. 40 est bombardée deux fois par l’aviation alliée durant le mois de juin 1944. Les bombardements provoquent de gros dégâts qui viennent s’ajouter aux lourdes pertes subies par l’ensemble du Kampfsgeschwader lors de ses missions contre la flotte d’invasion. Début juillet le commandement allemand décide de la retirer des opérations afin que l’ensemble de ses Gruppen préparent leur transfert vers la Norvège.
 
Sur la base de Mérignac l’équipage de l’Ofw. Werner Neuenfeldt appartenant à la 4./K.G. 40 a reçu des instructions pour un vol vers l’Allemagne le 9 juillet. Le décollage doit avoir lieu à 6h00 avec un impératif, voler sous la couverture nuageuse, c’est à dire à environ 400m d’altitude.
 
Le dimanche 9 juillet l’équipage du Heinkel 177 "Greif", plus deux permissionnaires qui profitent de l’occasion pour rejoindre leurs familles, se prépare à décoller mais à cause de la situation militaire en cours le décollage est reporté jusqu’à 09h00.
 
Après environ une heure de vol sans incidents le Gefr. Helmuth Kappestein signale un appareil non identifié droit devant. L’Ogfr. Franz Comans en distingue plusieurs autres qui approchent - seize en tout - et qui semblent être du type P-38 Lightnings.
 
Pendant que les américains incurvent leur course pour passer à l’attaque, le pilote allemand dirige le Heinkel 177 vers la couverture nuageuse. Malheureusement un trou dans la couche de nuages se présente après environ une dizaine de minutes et les chasseurs américains, qui jusqu’ici ont gardé le contact ou qui attendait cette occasion, attaquent le bimoteur allemand sans hésitation.
 
Le combat se déroule au nord-est d’Avord et il n’est pas certain que les mitrailleurs allemands aient eu le temps d’utiliser leur armement défensif. 
 
La salve de l’un des Lightnings touche entre autres le réservoir de fuselage du bombardier et le carburant qui gicle dans la cabine de pilotage s’embrase, tout comme après une explosion. Très rapidement Kappestein essaie d’ouvrir la trappe d'accès (et donc d’évacuation) mais celle-ci reste coincée. C’est seulement lorsque le radio et le navigateur sautent en commun sur la trappe que celle-ci se détache. 
 
Les deux aviateurs sautent aussitôt dans le vide, immédiatement suivis par le mécanicien et le pilote. 
 
Dans la partie arrière du fuselage l’un des permissionnaires, l’Uffz. Franz Weinreis, qui est le seul homme marié du bord, hésite un long moment à sauter... il sera retrouvé plus tard gisant sans vie près de l'épave de l’avion.
 

Heinkel He177 en vol, tel qu'il peut avoir été vu par les pilotes de chasse américains.
 
En dépit de la proximité du sol - 400 mètres seulement - l’électricien et les deux mitrailleurs parviennent à s’extirper de l’appareil et à sauter à l'extérieur. 
 
L’Ogfr. Felix Wegner, mitrailleur supérieur est sérieusement blessé au visage lors de l’ouverture de son parachute, les autres membres de l’équipage ne souffrant que de blessures mineures. Après avoir reçu les premiers soins par la population locale, les aviateurs sont dirigés par les services allemands vers les hôpitaux de Nevers et de La Charité (pour Felix Wegner). L’Uffz. Franz Weinreis sera inhumé quant à lui dans le carré militaire allemand du cimetière St-Lazare de Bourges.
 
On connaît avec précision le lieu de chute du Heinkel 177 grâce au rapport de Gendarmerie de la brigade de Jouet-sur-l’Aubois (Cher) : "Nous avons été avisés téléphoniquement par le maire de la communes de Beffes (Cher) qu’un avion en flammes venait de s’écraser dans la cour de la ferme de Moledon, territoire de la-dite commune. Nous nous sommes rendus sur les lieux où nous avons effectivement constaté qu’un appareil allemand s’était écrasé dans le jardin de la ferme suscitée et à environ huit mètres de la maison d’habitation du fermier. Cet avion en tombant a détruit également un hangar en pierre contenant l’outillage aratoire du fermier ainsi qu’une voiture automobile. Un service d’ordre était déjà assuré par la brigade de gendarmerie de Sancergues (Cher)."
 
Suit la déclaration du cultivateur : "Ce matin vers 8h30 alors que je me trouvais dans ma maison d’habitation, un avion allemand en flammes s’est écrasé dans mon jardin situé en face et à huit mètres environ de mon logement. Mon fils qui se trouvait dans la cour au moment de l’accident a été assez sérieusement blessé à la tête et aux bras par suite de l’explosion qui l’a projeté à terre. Il a été évacué immédiatement vers le château de Beffes ou il a reçu les premiers soins du docteur de Jouet-sur-l’Aubois."
 
L’identité du Fighter Group américain qui revendique cet appareil n’est pas définie avec certitude mais il semble que l’appareil ait été accroché par les P-38 du 20th Fighter Group / 79th Fighter Squadron alors en mission dans la région. Cette unité revendique plusieurs locomotives détruites dans les secteurs de Moulins – Nevers - La Charité – Sancerre – Gien et l’un de ses pilotes, le Lt. Jesse E. Carpenter est crédité d’un quadrimoteur allemand "Junker Ju-290". 
 
Son rapport de revendication est assez troublant car il "colle" parfaitement avec les témoignages de l’équipage allemand.
 
Voici un extrait de son rapport : "J'ai aperçu un gros appareil qui volait au ras des arbres et qui, je suppose, essayait ainsi de passer inaperçu. Je me suis placé dans sa queue et il a commencé à grimper en direction de la couche nuageuse. Il était aux deux-tiers caché dans les nuages quand j'ai commencé à ouvrir le feu depuis environ 500 mètres. J'ai réussi à le toucher au niveau de l’aile droite et du moteur extérieur droit. Après ça le bombardier s'est laissé tomber hors de la couche nuageuse et je me suis rapproché de lui pour la mise à mort. J’ai arrosé l’avion à bout portant et le feu a commencé à se propager. Quelques secondes plus tard sept hommes ont sauté en parachute et l’appareil environné de flammes s’est écrasé au sol."
 
Il y a quelques années, Jesse Carpenter, interrogé à ce sujet par l'historien anglais Chris Goss - spécialiste de la K.G. 40 - lui a affirmé qu’il s’agissait bien d’un Junkers Ju-290. 
 
Alors…à vous de juger.
 
Bombardier Heinkel 177 A-5 "Greif" Werknr. 550173, 4./K.G. 40.
 
Equipage :
Ofw. Werner Neuenfeldt (Flugzeugführer - Pilote)
Ogfr. Rudolf Pöschko (Kampfbeobachter - Observateur)
Ogfr. Franz Comans (Bordfunker - Radio)
Gefr. Helmuth Kappestein (Bordmechaniker - Mécanicien)
Ogfr. Felix Wegner (B-2 Bordschutze - Mitrailleur)
+ Nom inconnu (Heckbordschutze – Mitrailleur AR.)*
Passagers :
Uffz. Hans Jacobsen (Flugzeugelektriker – Electricien)
Uffz. Franz Weinreis (Flugzeugmechaniker - Mécanicien)
 
*Le mitrailleur habituel avait été remplacé suite à des blessures reçues au combat.