Soldat allemands inhumés dans le carré militaire du cimetière St. Lazare (Bourges)

Vierzon 10 juillet 1944 ( Saint-Georges-sur-la-Prée )

En Normandie le Nord de la ville de Caen est enfin libéré (elle devait l’être à J+1) et le huitième corps britannique lance son offensive en direction du sud-ouest de la capitale du Calvados, défendu par le 2ème corps Blindé SS, conscient de l'importance stratégique de sa position car il défend les accès de la région Sud de Caen. Les Américains quant à eux progressent difficilement dans le Cotentin, au Nord de Périers et de Saint-Lô.
 
Dans les airs, les Alliés poursuivent leurs missions sur les positions d’artillerie, les ponts, les couloirs ferroviaires et les carrefours routiers tout en assurant la couverture du champ de bataille.
 
Cette nuit-là, le No.305 Squadron Polonais appartenant à la R.A.F. expédie quatorze bimoteurs Mosquito FB MkVI afin de harceler le réseau ferroviaire et perturber les mouvements nocturnes de l’ennemi. Chacun des appareils emporte quatre bombes de 500lbs (environ 225kg) et le secteur Etampes – Orléans – Vierzon – Châteauroux a été assigné à deux d’entres-eux, les Mosquito MM422 code SM-H et NS873 code SM-S.
 
Le premier a décollé de sa base anglaise de Lasham à 0h20 avec comme équipage le S/Ldr Stanislaw Grodzicki, pilote et le F/O Adam Szajdzicki, navigateur. Après une navigation sans incidents l’équipage décide d’attaquer Vierzon et lâche ses bombes près de la gare où ils ont repéré du trafic. Deux locomotives sont détruites ainsi que plusieurs wagons et les violentes explosions provoquent des dégâts sur des maisons alentour sans causer de victimes. Au retour ils mitraillent des lueurs aperçues sur une route mais sans savoir si leurs coups ont portés. L’équipage est de retour à sa base vers 3h30.
 
Alors que la mission du précédent appareil n’est pas encore achevée, un autre Mosquito décolle vers 1h30 avec comme équipage le F/Lt Edward Suszynski, pilote et le S/Ldr Julian Lagowski, navigateur. Comme il le leur a été notifié avant le départ, la défense aérienne allemande est quasiment nulle durant leur vol vers la zone d’opération, ce qui est loin d’être le cas sur Vierzon où les servants de Flak sont en alerte depuis l’attaque précédente.
 
Le S/Ldr Julian Lagowski raconte : "Nous avons atteint Etampes puis après avoir contourné Orléans par l’Ouest nous sommes descendus à 500m pour nous diriger vers Vierzon tout en suivant la ligne de chemin de fer. A cette altitude nous traversions des nuages bas mais sans jamais perdre de vue les rails. C’est en arrivant sur l’objectif que tout s’est compliqué car nous avons soudain été accrochés et aveuglés par des projecteurs de Flak puis très rapidement des tirs ont suivis. Afin de sortir l’avion des dangereux faisceaux de lumière le F/Lt Suszynski a soudainement embarqué à droite et c’est là que j’ai entendu un coup sourd dans l’appareil. Les voyants du cockpit se sont éteints mais les moteurs fonctionnaient toujours et je me disais que notre "Mossie" n’était peut-être pas si sérieusement touché.
 
Tout à coup nous avons aperçu des flammes sortir du capot moteur droit et Edward m’a crié d’évacuer l’appareil. Il a repris de l’altitude tout en inclinant l’avion pour faciliter mon saut. Durant ma chute j’ai aperçu l’avion volant en ligne droite, une longue traînée de flammes sortant du moteur touché. Quelques instants plus tard, alors que j’avais touché le sol, j’ai entendu une formidable explosion et j’ai aperçu des flammes gigantesques éclairer la nuit."
 
Le F/Lt Edward Suszynski a moins de chance que son navigateur car son corps sera retrouvé près des débris calcinés de son appareil.


Le F/Lt Edward Suszynski qui perd la vie lors de cette mission
 
 Après s’être défait de son harnais et avoir caché son parachute, Julian Lagowski s'éloigne aussi vite que possible de l'avion en flammes. A l'aube, il ajuste sa direction au sud-ouest à l'aide de sa boussole, se repose par intermittence et marche jusqu'à 15h00 à travers champs en évitant soigneusement les routes. Il repère une petite ferme, frappe à la porte et demande un verre d'eau à la femme qui se présente à lui. Elle n'est pas rassurée mais lui offre de l'eau : "J’ai abordé cette femme en lui expliquant - dans un Français approximatif - que j’étais un aviateur anglais et que j'avais besoin d'aide. Elle m'a mis entre les mains d'un homme qui m’a donné à manger et qui vers minuit m'a emmené vers une autre ferme ou j'ai rencontré une dame, une Britannique et plusieurs membres du Maquis."
 
Il vient de rencontrer Pearl Cornioley alias Pauline, une jeune anglaise responsable S.O.E. du secteur.
 
"Il y avait là plusieurs personnes et parmi elles une jeune femme parlant très bien anglais. Elle a regardé mes papiers et m’a posé quelques questions. J’en ai déduit qu’elle voulait avoir confirmation que j’étais bien la personne pour laquelle je me faisais passer." Pauline doit absolument savoir si l’aviateur n’est pas un imposteur et après cette vérification elle explique au Polonais qu'il va être transféré vers une autre cache dans l’attente de lui trouver une possibilité de regagner l’Angleterre.
 
"Deux jours après on m’a emmené dans une ferme où le propriétaire, un Belge, m’a accueilli à bras ouverts en me disant que j’étais le huitième pilote à être caché chez lui." Cette nouvelle cache est une ferme sur la commune de Maray dans le Loir-et-Cher.
 
"Je suis resté dans cette ferme jusqu'au 6 septembre, jour où un officier du Maquis m'a emmené au quartier général du Maquis au sud de Chabris. J'y suis resté une nuit et le lendemain, l'officier du Maquis m'a remis entre les mains des américains."
 
De retour en Angleterre et après avoir passé quelques semaines au RAF Polish Depot de Squires Gate près de Blackpool, Julian Lagowski retrouve son Squadron le 28 novembre 1944 de même qu’un nouveau pilote avec lequel il va effectuer de nombreuses missions avant la fin de la guerre en Europe.
 
Sources :
Claude Débéda - Saint-Georges-Sur-La-Prée, 11 juillet 1944 - dactylographié / Alain Rafesthain - La Liberté guidait leurs pas – EditionsRoyer 1993 / National Archives London/Kew - M.I.9/S/P.G. (-)2307 Report